Routes brisées , âmes en errance

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Il fut un temps où la Route Nationale #1 était une promesse.

Elle glissait comme un ruban noir vers l’azur de l’océan,

Portait les rêves de ceux qui fuyaient la poussière et le tumulte,

Pour chercher refuge dans les brises salées de Montrouis,

Dans la tranquillité de Saint-Marc, dans l’ombre des manguiers de Gonaïves.

Il fut un temps où la Route Nationale #2 ouvrait les bras vers la liberté,

Où les âmes fatiguées pouvaient s’échapper vers Léogâne,

S’égarer dans la douceur de Jacmel,

Se perdre dans le vert des montagnes de Grand-Goâve et de Miragoâne,

Respirer enfin, loin de la fureur de Port-au-Prince.


Mais aujourd’hui, ces routes ne mènent plus nulle part.

Elles sont des couloirs de terreur, des sentiers de mort,

Où chaque kilomètre est une prière murmurée,

Où chaque détour peut être le dernier.


La Route Nationale #1, un corridor de spectres armés


De Canaan à Cabaret, la route est un cimetière d’épaves,

Des carcasses de voitures, tordues, calcinées,

Silhouettes fantomatiques des voyages avortés.

Là, les hommes en armes règnent en maîtres,

Postés comme des fauves affamés,

Prêts à bondir sur chaque passant.


À Titanyen, terre de charniers et de larmes séchées,

Ils tendent leurs embuscades sous le soleil de plomb.

On entend le silence des condamnés,

Ceux qui n’ont pas eu le temps de fuir,

Ceux dont les cris se sont noyés dans la poussière.


À Arcahaie, les voyageurs ne regardent plus le bleu du ciel,

Ils comptent les balles logées dans les murs,

Ils scrutent les visages masqués,

Ils espèrent que cette fois, ils passeront.


Martissant : L’Enfer a une adresse


Et puis il y a Martissant.

Ce n’est plus un quartier, c’est une plaie ouverte.

Là, la Route Nationale #2 est une gorge tranchée,

Une route où la mort se cache derrière chaque façade criblée de balles.


Il n’y a plus de lois, plus d’ordre,

Juste des ombres armées qui lèvent la main,

Des barrages faits de cadavres et de ferraille,

Des familles entières piégées, prises au piège du hasard.


Les chauffeurs de tap-tap n’osent plus prononcer son nom,

Ils savent que traverser Martissant,

C’est défier les dieux du chaos.


La route de la peur


À chaque carrefour, un otage, une disparition, une rançon.

À chaque détour, un bus vidé,

Ses passagers effacés, comme si la route les avait avalés.

Des mères pleurent à Carrefour,

Des pères implorent à Petit-Goâve,

Des enfants attendent à Miragoâne

Des proches qui ne reviendront jamais.


Et pourtant, que faire ?

Rester dans Port-au-Prince, assiégée, suffocante ?

Ou tenter la route,

Au risque de ne jamais en revenir ?


Les routes d’Haïti ne sont plus des chemins,

Elles sont des labyrinthes de douleur,

Des pièges tendus aux vivants,

Des frontières invisibles entre l’espoir et l’abîme.


Et nous, pauvres âmes en errance,

Nous avançons, sans savoir si nous arriverons,

Si demain, nos pas fouleront encore cette terre brisée.



Pierre Paul Stoïchkov  

  • Étudiant : Sciences Comptables  
  • E-mail : stoichkovpierrepaul@gmail.com  
  • Numéro : 41378908  
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