Les Sciences Humaines et Sociales : L’Arme de la Défaite d’Haïti

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Résumé

Haïti, nation fondée sur un acte révolutionnaire unique dans l’histoire mondiale, aurait dû développer un système éducatif garantissant son autonomie intellectuelle et stratégique. Pourtant, son élite intellectuelle a trahi ce projet en adoptant des modèles académiques et idéologiques imposés par les anciennes puissances coloniales. Cet article démontre comment les sciences humaines et sociales, loin d’être un moteur de développement national, ont été instrumentalisées pour légitimer la dépendance et la stagnation du pays. Une approche élitiste et stratégique est proposée pour repenser l’éducation et redéfinir la formation des cadres nationaux.  


Introduction

Haïti, née d’une révolution sans pareille dans l’histoire mondiale, est le produit d’une lutte acharnée pour l’indépendance, marquée par un acte fondateur qui a bouleversé les rapports de force mondiaux au début du XIXe siècle. Pourtant, malgré cet héritage révolutionnaire et la construction d’une nation qui aurait dû être synonyme de rupture avec les dynamiques coloniales, le pays n’a jamais réussi à établir un système éducatif solide capable de garantir son autonomie intellectuelle et stratégique. En effet, l’élite intellectuelle haïtienne, plutôt que de nourrir et de défendre ce projet national, s’est souvent laissée séduire par des modèles académiques et idéologiques hérités des anciennes puissances coloniales. Loin de servir d’instrument d’émancipation et de développement, les sciences humaines et sociales ont, dans bien des cas, été instrumentalisées pour perpétuer la dépendance et le retard structurel de la nation. Cette instrumentalisation des savoirs a non seulement limité les possibilités d’autonomie intellectuelle, mais a aussi freiné la capacité d’Haïti à redéfinir son destin à travers des politiques publiques innovantes et adaptées à ses réalités spécifiques. Ainsi, cet article propose une réflexion critique sur la place des sciences dans la construction de l’État haïtien, en soulignant la nécessité d’une refonte de la formation des élites intellectuelles. Une approche élitiste et stratégique est avancée pour repenser l’éducation et redéfinir la manière de former les cadres nationaux afin de restaurer la souveraineté intellectuelle et stratégique du pays.



L’histoire des nations montre que le développement repose sur une élite éclairée, consciente des enjeux nationaux et capables d’orienter la société vers un progrès souverain (Pareto, 1916 ; Mosca, 1939). Ses auteurs montrent que, les élites intellectuelles, de sa part, jouent un rôle crucial dans la consolidation ou la destruction d’un État. En Haïti, cette élite, au lieu de remplir le rôle de consolidation, a contribué à affaiblir l’État en diffusant des doctrines qui servent davantage les intérêts des puissances étrangères que ceux du peuple haïtien. Son enseignement universitaire, et plus particulièrement les sciences humaines et sociales, n’a pas été conçu pour la renforcer, mais pour maintenir une élite dépendante des modèles et financement étrangers. 


Selon Burnham (1943), la pensée stratégique d’un État repose sur ses élites académiques et politiques, qui doivent agir en fonction d’une doctrine nationale cohérente. Or, en Haïti, la production intellectuelle est dominée par des paradigmes importés, dépourvus de pertinence pour les réalités locales. Prenons l’exemple de la sociologie et l’anthropologie, au lieu d’être des disciplines critiques permettant de comprendre et surmonter les défis nationaux, ont souvent été utilisées pour justifier l’impuissance de l’État haïtien et la nécessité d’une intervention extérieure. Ce constat s’inscrit en opposition avec les travaux fondateurs d’Anténor Firmin (De l’égalité des races humaines, 1885) et de Jean Price-Mars (Ainsi parla l’oncle, 1928), qui avaient déjà dénoncé les biais eurocentriques des sciences sociales et plaidé pour une redéfinition des cadres intellectuels haïtien. Aujourd’hui, on ne peut plus parler uniquement de l’eurocentrique avec la domination de l’Amérique du nord, mais on peut parler plutôt du « cerbère néocolonial » : La France, les États-Unis et le Canada.       


La faillite des sciences Humaines et Sociales en Haïti

Les sciences humaines et sociales (SHS) jouent un rôle central dans la construction et l’évolution des sociétés. Dans le cas d’Haïti, cependant, elles semblent avoir été détournées de leur mission originelle pour devenir des instruments d’aliénation et de production des schémas coloniaux. Au lieu de servir la construction nationale, elles ont souvent renforcé la dépendance intellectuelle et politique du pays aux métropoles qui sont le cerbère néocolonial. Depuis le XIXᵉ siècle, en Haïti, les SHS ont été façonnées par les paradigmes dominants en Europe et aux États-Unis. Anténor Firmin (1885), dans De l’égalité des races humaines, dénonçait déjà la manière dont elles étaient utilisées pour justifier le racisme scientifique et la marginalisation d’Haïti dans le concert des nations. Par la suite, Jean Price-Mars (1928), avec Ainsi parla l’oncle, aurait critiqué l’aliénation culturelle inculquée par les élites haïtiennes, qui valorisaient la pensée européenne au détriment des réalités locales. Malgré ces dénonciations, les universités haïtiennes ont continué à enseigner les théories sociologiques, anthropologiques et politiques formulées en dehors, sans les adapter aux besoins spécifiques d’Haïti.    


 Les universités haïtiennes devraient être des institutions de libération intellectuelle et de développement national. Pourtant, elles fonctionnent comme des fabriques de cadres destinés à servir les métropoles au détriment d’Haïti. Beaucoup d’universitaires aspirent à intégrer les ONG, la Banques mondiale, ou les Nations Unies, au lieu de construire des alternatives nationales. L’objectif principal de nombreux étudiants est d’obtenir une bourse d’étude à l’étranger, et rarement de revenir pour servir Haïti. Comme l’État haïtien n’est plus depuis environ deux siècles, s’il était existé, il n’investit pas dans la recherche et laisse l’orientation du savoir être dictée par des financements étrangers surtout par le cerbère.     


 Sous le levier de l’education supérieure, elles produisent des « esclaves à talent » : des individus hautement qualifiés, mais aliénés, qui mettent leur savoir au service des intérêts étrangers plutôt qu’au renforcement de leur propre nation. Ses programmes ne sont pas construits pour répondre aux besoins du pays, mais pour produire des cadres compétitifs sur le marché international du travail, principalement au profit du cerbère néocolonial. Ce dernier désigne la structure de domination mise en place pour maintenir le pays dans une position de faiblesse et de dépendance. Nos universités jouent un rôle clé dans ce système en formant une élite qui devient le relais des intérêts étrangers.    

          

Selon Bourdieu et Passeron (1970), l’éducation est un instrument de reproduction sociale qui peut soit renforcer un État, soit légitimer sa domination par d’autre puissances. En Haïti, le système éducatif a été conçu pour former des fonctionnaires et des bureaucrates destinés à appliquer des politiques étrangères, et non des stratèges, comme Henry Kissinger, Brzezinski Zbigniew… pour le système américain, capables de défendre la souveraineté nationale. Les écoles haïtiennes, au lieu de former des citoyens engagés, produisent une classe ou une élite intellectuelle désorientée, incapable de concevoir un projet national. Comme l’explique Julien Freund (1965), un État qui ne contrôle pas la formation de son élite perd le monopole de sa souveraineté.


Nos universités sont loin de former une élite nationale engagée et efficace pour la souveraineté d’Haïti, en produisant des cadres anti-haïtien au service du système global qui perpétue la dépendance du pays. Selon Pareto (1916), une élite est efficace lorsqu’elle renouvelle ses cadres en intégrant les éléments les plus compétents et les plus engagés dans la défense des intérêts nationaux. Ce phénomène est appelé la « circulation des élites », comme un processus cyclique. Les universitaires haïtiens ne sont souvent pas formés pour devenir des élites nationales, mais plutôt pour mépriser leur propre société et qui se placent au service d’intérêts extérieurs. 


Pour les références, nos références académiques sont presque exclusivement européennes ou nord-américaines, marginalisant les penseurs haïtiens comme Anténor Firmin et Jean Price-Mars. Prenons la sociologie et l’anthropologie enseignée, elles reproduisent les grilles de lecture coloniales, décrivant Haïti comme un « problème » à corriger plutôt qu’un État souverain. Les universitaires haïtiens sont contraints d’adopter les théories occidentales pour être publiés et reconnus sur la scène académique internationale. L’accent est aussi met sur les disciplines prisées par les institutions internationales (droit, administration, sciences sociales) plutôt que sur des secteurs clés pour Haïti (agriculture, industrie, ingénierie…). Les meilleurs diplômés haïtiens sont souvent recrutés par des entreprises et organisations étrangères, aggravant la fuite des cerveaux.       

  

L’élite intellectuelle comme le poumon de la destruction d’Haïti

Haïti, premier pays noir indépendant, aurait pu s’imposer comme une puissance intellectuelle et stratégique dans le monde postcolonial. Pourtant, la trajectoire de ses élites intellectuelles a été marquée par la complicité de sa destruction. Nos universités sont l’épicentre même de la destruction du pays en s’appliquant la théorie des araignées : « Université en Haïti peut être comparée à une araignée cannibale qui, après avoir tissé sa toile sur les fondations de sa propre mère, se retourne contre elle, la dévore lentement tout en s’attaquant à ses propres frères et sœurs. Chaque membre de cette toile, au lieu de consolider la structure qui les soutient, cherche à éliminer l’autre, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, très souvent, parfois épuisé et isolé, condamné à périr faute de proie ». Cette autodestruction systémique, nourrie par la division, la trahison et l’avidité, incarne le cycle infernal dans lequel Haïti est piégée, empêchant toute renaissance véritable.      


Les élites intellectuelles sont les vrais maîtres du pouvoir en Haïti. L’histoire politique d’Haïti révèle une constante : peu importe la nature du régime en place, une élite intellectuelle le soutien, l’oriente et le justifie. Contrairement à l’illusion selon laquelle certains dirigeants sont dépourvus de capacités, ces derniers sont presque toujours entourés d’intellectuels de haut niveau qui façonnent les décisions stratégiques. Vilfredo Pareto (1916) et Gaetano Mosca (1939) ont montré que tout pouvoir est intrinsèquement lié à une élite intellectuelle qui l’entoure et le guide. Même lorsqu’un président est perçu comme incompétent, il ne gouverne jamais seul ; il est toujours conseillé, influencé et encadré par des penseurs, des stratèges et des technocrates. Cette réalité est particulièrement visible en Haïti, où les chefs d’État ont souvent été considérés comme faibles ou autoritaires, mais où l’influence des élites intellectuelles a toujours été décisive dans la gestion du pays. 


Le problème fondamental d’Haïti n’est donc pas uniquement lié à l’incompétence des dirigeants, mais plutôt à la démission, la trahison et l’orientation idéologique des élites intellectuelles qui les entourent. Contrairement à d’autres nations où l’intelligentsia soutient des politiques de développement national, en Haïti, une partie de l’élite s’est alliée aux intérêts étrangers et aux oligarchies locales, qui sont les élites économiques locales du cerbère, créant un État dysfonctionnel.     

Les dirigeants haïtiens ne gouvernent pas en vase clos. Derrière chaque décision présidentielle, il y a une classe d’intellectuelle qui conseillent, structurent les politiques publiques et encadrent l’action de l’État. Sous François Duvalier (1957-1971), malgré son image d’homme fort, il s’appuyait sur des intellectuels de haut niveau, dont des sociologues et des économistes qui justifiaient son régime. Ensuite, sous Jean Bertrand Aristide (1994-1996, 2001-2004), des universitaires de gauches, selon les dits, défendaient son discours populiste et ses politiques économiques. Et dernièrement, sous Jovenel Moïse (2017-2021), bien qu’il fût perçu comme président faible, des technocrates continuaient de gérer les finances publiques, les relations diplomatiques et l’administration. Donc, cela prouve que, quel que soit le dirigeant en place, il y a toujours une élite intellectuelle qui influence le pouvoir, légitime ses actions et oriente la trajectoire de l’État. Cela peut soulever cette interrogation : les juges, les conseillers/conseillères, les administrateurs/administratrices, les grand(e)s diplomates, les médecins, les agronomes, les sociologues, les anthropologues, les géographes, les géologues, les économistes, les géopolitologues et tous experts de tous les domaines sont-ils des illettrés ou font parties de l’élite intellectuelle du pays ?


L’élite intellectuelle : matrice fondamentale de toute société

L’histoire des sociétés humaines démontre que l’élite intellectuelle est le noyau central de toute organisation sociale, politique et économique. Contrairement aux idées reçues qui placent l’élite militaire ou économique au sommet de la domination, les élites intellectuelles sont celles qui conçoivent, justifient et structurent les systèmes de gouvernance et de contrôle.




Gaetano Mosca affirme que toute société est gouvernée par une minorité organisée, mais cette minorité ne pourrait maintenir son pouvoir sans l’appui des intellectuels qui produisent les cadres idéologiques de la domination (La classe politique, 1896). De même, Vilfredo Pareto distingue les « lions », qui gouvernent par la force, et les « renards », qui manipulent par la ruse et les idées (Traité de sociologie générale, 1916). Il montre que les intellectuels sont indispensables pour la transformation des élites et la régulation du pouvoir.


Robert Michels, avec sa « loi d’airain de l’oligarchie » (1911), met en évidence le rôle central des intellectuels dans l’organisation des sociétés. Même dans les régimes démocratiques, les intellectuels et technocrates finissent toujours par monopoliser la prise de décision, rendant le pouvoir inaccessible au peuple. C. Wright Mills, dans The Power Elite (1956), confirme cette idée en expliquant que l’élite du pouvoir est façonnée par des intellectuels qui conçoivent et légitiment les politiques menées par les élites politiques, économiques et militaires.


Ainsi, toute société repose sur une élite intellectuelle qui structure ses fondements idéologiques, économiques et sociaux. Même lorsque le pouvoir semble détenu par des militaires ou des hommes d’affaires, ce sont toujours les penseurs, techniciens et experts qui en définissent les grandes orientations. En ce sens, l’élite intellectuelle est la véritable matrice du pouvoir, le centre de gravité autour duquel toute société se construit et se perpétue.      


Cependant, l’élite haïtienne, au lieu d’être le moteur de l’émancipation nationale, est devenue l’architecte de la perpétuation du statu quo colonial. Jean Price-Mars, dans La vocation de l’élite (1919), dénonçait déjà une élite aliénée, déconnectée de la culture et des réalités du pays, préférant reproduire les schémas imposés par les anciennes puissances impérialistes. Aujourd’hui encore, cette élite fonctionne comme un cerbère néocolonial, un gardien zélé du système de domination qui maintient Haïti dans la dépendance. Ceux qui osent porter un projet national authentique, à l’image des progressistes du XIXᵉ siècle ou des figures comme Anténor Firmin, sont systématiquement marginalisés, accusés de populisme ou d’utopisme, pendant que les élites dominantes collaborent avec les forces extérieures pour garantir la soumission du pays.


Cette élite haïtienne n’a souvent d’haïtien que le corps, tandis que son esprit est entièrement étranger, nourri par des idéologies et des valeurs qui ne servent pas les intérêts de la nation. C’est une élite en doublure, un simulacre d’appartenance nationale où le vêtement est haïtien mais l’âme est façonnée par les puissances dominantes. Cette situation rappelle l’expérience des accords politiques et économiques négociés par des intellectuels haïtiens qui, sous prétexte de « modernisation », livrent le pays à des institutions internationales comme le FMI ou la Banque mondiale. Ces « solutions », soi-disant techniques et rationnelles, ne font qu’enfoncer davantage Haïti dans un cycle de pauvreté et de dépendance, tandis que ces intellectuels continuent de prêcher un développement qui, paradoxalement, détruit l’État et ses fondements. Inconsciemment ou non, ils agissent comme des agents d’un système qui les dépasse, pensant œuvrer pour le progrès alors qu’ils creusent la tombe de leur propre nation. 


Les élites intellectuelles haïtiennes ne se contentent pas d’être passives face à la destruction du pays ; elles y participent activement en servant les classes dominantes et le cerbère. Elles sont là pour la justification des politiques économiques anti-nationales, qui ouvrent le pays à toutes les formes de pillage. Ensuite, pour la production d’un discours contre l’identité haïtienne, qui affaiblit le sentiment patriotique et empêche la mobilisation populaire. Et finalement, la légitimation étrangère, sous prétexte que Haïti ne serait pas capable de se gouverner seule. En d’autres termes, les intellectuels haïtiens sont les complices de la recolonisation d’Haïti. Par conséquent, le pays a besoin son propre élite.  


Recommandation pour la construction d'une élite intellectuelle haïtienne selon la pensée des Élitistes

La construction d'une élite intellectuelle haïtienne doit se baser sur des principes fondamentaux d'autodéveloppement, d'émancipation et de préservation de la souveraineté nationale. Selon des auteurs tels que Pierre Bourdieu, Max Weber, et Antonio Gramsci, la formation d'une élite intellectuelle exige une approche multidimensionnelle qui intègre l'éducation, la culture et les institutions sociales dans une dynamique d'autogestion et de renouvellement. L’élite intellectuelle haïtienne doit, dans ce cadre, se concevoir comme une force propulsive capable de guider la transformation des autres élites—militaire, économique, politique et sociale—en veillant à l’instauration d’une société plus juste et équitable.


Renforcement de l'éducation et de la recherche : Il est crucial de créer des centres de formation de haut niveau qui cultivent des compétences en sciences humaines, politiques, économiques et sociales, en mettant l'accent sur une pensée critique et une analyse géopolitique appropriée. Ce processus doit être soutenu par des réformes dans les écoles et universités haïtiennes, favorisant des programmes axés sur l'auto-émancipation intellectuelle, à l’instar des modèles de développement intellectuel observés dans d'autres nations émergentes :

1. École Nationale de Stratégie et de Géopolitique : Institut Haïtien des Hautes Études Stratégiques (IHES)

2. École d'enseignement du créole et de l’histoire militaire et économique : Institut d'Études Haïtiennes et de Défense Nationale (IEHDN)

3. École d'intégration entrepreneuriale et industrielle : Université de l'Innovation et du Développement Économique (UIDE)

4. École de concours d’accès aux hautes fonctions publiques : Académie du Mérite et de l’Excellence Publique (AMEP)

5. École de rapatriement des cerveaux haïtiens : Académie des Talents Nationaux (ATN)

6. École de sciences humaines et sociales fondée sur la souveraineté et l’autonomie intellectuelle : Institut Haïtien de Souveraineté Intellectuelle (IHSI)

7. École d’éducation comme instrument de lutte contre l’ingérence étrangère : Académie Nationale de l’Éducation Patriotiques (ANEP)


Création d'un réseau d'élites stratégiques : Cette élite intellectuelle doit être en mesure de créer des ponts entre les différents secteurs de la société haïtienne. Selon Gramsci, l'intellectuel organique doit être en lien avec les masses, et ainsi l'élite intellectuelle haïtienne doit non seulement avoir un impact au niveau des institutions, mais aussi jouer un rôle dans l’accompagnement des nouvelles générations d’élites dans des secteurs stratégiques (militaire, politique, économique, etc.). Une telle intégration permettra de renforcer la cohésion nationale.

 Promotion des valeurs d'indépendance et de souveraineté : L’élite intellectuelle haïtienne doit être imprégnée de valeurs qui protègent la souveraineté nationale. Les intellectuels doivent se positionner en gardiens de la pensée critique et de la liberté d’expression, suivant l’exemple de Frantz Fanon qui a théorisé la décolonisation mentale et politique. Ainsi, la mise en place de programmes visant à préserver la culture haïtienne tout en l'intégrant dans une vision moderne sera fondamentale pour guider l’ensemble des autres élites vers un idéal commun de souveraineté.

Développement d'une économie intellectuelle : Il faut aussi encourager la création d'un marché intellectuel en Haïti, à travers la publication d'ouvrages, la participation à des conférences internationales et la création d'espaces où les idées peuvent circuler librement. L’élite intellectuelle haïtienne doit devenir un acteur clé du développement économique, non seulement par sa production théorique, mais aussi par sa capacité à résoudre les problèmes socio-économiques concrets du pays.

Engagement international : Cette élite doit également prendre conscience de la nécessité de se connecter au monde tout en restant fidèle aux intérêts nationaux. À cet égard, elle doit savoir naviguer dans les eaux complexes des relations internationales, en influençant les débats mondiaux tout en mettant en avant les enjeux propres à Haïti.         

En somme, Haïti, malgré son passé révolutionnaire unique, n'a pas su capitaliser sur son indépendance pour développer un système éducatif capable de nourrir une véritable autonomie intellectuelle et stratégique. L’élite intellectuelle du pays, influencée par des modèles imposés par les anciennes puissances coloniales, a souvent servi d’outil de légitimation de la dépendance. Afin de surmonter cette stagnation, il est crucial de repenser l’éducation en Haïti en plaçant les sciences et la formation des élites au cœur de la souveraineté nationale. Une approche stratégique, fondée sur une refonte des savoirs et des pratiques, permettra de restaurer l’indépendance intellectuelle du pays et de garantir son développement durable.


Bibliographie

BOURDIEU, Pierre. & PASSERON, Jean-Claude. (1970). La reproduction : Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris : Les Éditions de Minuit. 

BOURDIEU, Pierre. (1984). Distinction : A Social Critique of the Judgment of Taste. Cambridge: Harvard University Press. 

BURNHAM, James. (1943). The Machiavellians: Defender of Freedom. New York: John Day Company. 

FANON, Frantz. (1961). Les Damnés de la Terre. Paris : Maspero. 

FIRMIN, Anténor. (1885). De l’égalité des races humaines. Paris : F. Pichon. 

FREUND, Julien. (1965). L’essence du politique. Paris : Sirey. 

GRAMSCI, Antonio. (1971). Selections from the Prison Notebooks of Antonio Gramsci. New York: International Publishers. 

MICHELS, Robert. (1911). Les partis politiques: Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties. Paris : Fayard.   

MILLS, Charles Wrights. (1956). The Power Elite. New York: Oxford University Press. 

MOSCA, Gaetano. (1939). The Ruling Class. New York: McGraw-Hill. 

PARETO, Vilfredo. (1916). Traité de sociologie générale. Paris : Librairie Dalloz. 

PRICE-MARS, Jean. (1919). La vocation de l’élite. Port-au-Prince : Imprimerie de l’État.  

PRICE-MARS, Jean. (1928). Ainsi parla l’oncle. Port-au-Prince : Imprimerie de l’État.  

WEBER, Max. (1978). Economy and Society: An Outline of Interpretive Sociology. Berkeley: University of California Press.




  • Par Jackson AMADIS 
  • Étudiant en Relations Internationales 
  • Téléphone : +509 39440801
  • E-mail : jacksonamadis09@gmail.com


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1Commentaires
  1. La préoccupation bonne, toutefois il n'y a pas de nuance dans tes approches.

    Il me semble que tu t'es inscrit dans une approche critique visant à mettre en lumière la non adéquation de la posture epistemique occidentale à la réalité haïtienne. Toutes Il faudrait une approche decoloniale pour rendre compte de la réalité haïtienne.

    BASTA! Fais tes Valises, Vieux!

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