Des dates historiques, symboles de fierté et de liberté, devenues aujourd'hui des rendez-vous de Terreur

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Historiquement, les Haïtiens ont toujours eu pour habitude de commémorer les dates marquantes de leur histoire en célébrant les avancées vers la liberté et l'indépendance. Pourtant, ces dates, naguère porteuses de fierté, semblent aujourd'hui être associées à la peur et à l'incertitude. Comment en sommes-nous arrivés là ?


Dans l'histoire de la première République noire du monde, les Haïtiens ont toujours honoré les dates marquantes qui ont jalonné leur combat pour la liberté, de la colonisation à la dictature. Le 1er janvier, le 7 février, le 18 mai, le 17 octobre, le 18 novembre sont autant de dates qui résonnent comme des symboles de résistance et d'émancipation. Traditionnellement, ces commémorations donnaient lieu à des défilés, comme pour la fête du drapeau à l'Arcahaie, ou dans les rues de Port-au-Prince, ainsi qu'à des moments de réflexion, de débats et de réjouissances. En ces occasions, les Haïtiens se projetaient vers l'avenir, imaginant des lendemains meilleurs.


Comment en sommes-nous arrivés là ? 

Depuis les élections ayant porté Michel Joseph Martelly puis Jovenel Moïse à la présidence, le pays a connu une succession de mouvements d'opposition, dont le SDP (Secteur Démocratique et Populaire). Les manifestations, les « peyi lòk », le slogan « Barikad ou se avni w » sont devenus des moyens d'expression pour l’opposition, utilisant les dates historiques comme des moments de mobilisation, une sorte de « seconde indépendance ». La logique présentée est celle d’un peuple-esclave face à des dirigeants-colons, assimilés au gouvernement en place et à la communauté internationale.


Est-ce-qu'il y avait des colons qui se faisaient passer pour esclave ? Ou des esclaves colonisés ? 

Peut-on cependant assimiler les figures de pouvoir à des « colons » d’un peuple opprimé ? Le paradoxe est frappant : des leaders de mouvements contestataires, autrefois porteurs de la lutte pour une « seconde indépendance », sont aujourd'hui partie intégrante d'un système qui semble avoir maintenu le peuple dans l’impasse. L’accord de Montana et le gouvernement d’Ariel Henry illustrent cette ambiguïté, où ceux qui incarnaient la voix du peuple paraissent maintenant endosser des rôles d’oppresseurs.


Les manifestations, les « peyi lòk », les vagues de violence et la coalition « Viv Ansanm » ont transformé la perception de ces dates symboliques. Des rendez-vous autrefois synonymes de fierté et de mémoire collective sont désormais marqués par la peur. À chaque approche de ces jours commémoratifs, l'angoisse grandit parmi les Haïtiens, supplantant la joie et l'orgueil d’antan. La récente célébration du 17 octobre, date de la commémoration de la mort de l'empereur Jacques Ier, a vu des quartiers entiers de Port-au-Prince – Solino, Fort National, Bas-Delmas, Tabarre, Champs de Mars – pris d’assaut par des gangs armés.


Un avenir incertain

Cette violence suscite de nombreuses interrogations. Est-elle le résultat de manœuvres des « esclaves domestiques », manipulant les « esclaves des champs » sous l’œil des « colons » absents ? Ou bien est-elle l’œuvre des esclaves des champs, alliés aux esclaves domestiques pour servir les intérêts des colons ? Le peuple haïtien, autrefois fier et libre, se retrouve aujourd'hui pris dans une dynamique de peur et de violence, oscillant entre la survie et l'espoir.

Les Haïtiens se posent alors la question : pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là ? Que nous réserve le 18 novembre 2024 ? Les réponses demeurent incertaines, mais la douleur de voir ces dates historiques détournées de leur sens premier, au détriment de la population, est bien réelle.


La dégradation de ces moments symboliques illustre l'état de crise que traverse la nation haïtienne. Ces dates, jadis des piliers de fierté nationale, sont devenues le reflet d'une société divisée, emprisonnée dans ses propres luttes internes. Alors que le pays se dirige vers une autre commémoration historique, le 18 novembre, jour de la bataille de Vertières, la nation attend, dans l’incertitude, le prochain acte de cette tragédie.





Par Abigaël ORILAS

✓ Politologue en formation à l'INAGHEI,

✓ Professeur d'histoire 

✓ Influenceur  

✓ Influenceur et membre de l'association KAD.



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