Contrairement à l'information qui circule, le MENFP n'introduit pas réellement quatre nouvelles matières dans le programme du 3e cycle fondamental. Trois des quatre disciplines étaient déjà présentes dans le système depuis la réforme Bernard en 1979. Cela est évident dans les plans d'études des curriculums des 1er et 2e cycles fondamentaux, où l'on trouve huit matières, dont cinq matières de base : communication française, mathématiques, communication créole, sciences expérimentales et sciences sociales, ainsi que trois matières supplémentaires : ITAP (Initiation à la Technologie et aux Activités Productives), EPS (Éducation Physique et Sportive), et EEA (Éducation Esthétique et Artistique). Cependant, il convient de noter que pour les matières supplémentaires, il n'existe pas de programme déterminé pour définir les contenus à enseigner.
En juin 2022, le MENFP a publié un nouveau programme pour le 3e cycle fondamental, ce qui a permis de connaître les contenus des trois disciplines.
Qu'ont-elles comme contenu ?
ETAP (Éducation à la Technologie et aux Activités Productives) : Anciennement appelée Initiation à la Technologie et aux Activités Productives (ITAP), cette discipline comprend cinq champs thématiques : les métiers de la mer, les métiers de l'agriculture (où l'on enseigne aux apprenants les métiers de la mer et de l'agriculture ainsi que les outils utilisés, et ils réalisent des prototypes) ; les métiers du recyclage et des énergies renouvelables (présentation des métiers du recyclage, sensibilisation des apprenants à l'impact des déchets sur l'environnement, développement de projets pour réduire cet impact, présentation des avantages des énergies renouvelables) ; l'entrepreneuriat (développement de l'esprit d'entreprise chez les apprenants) ; et les nouvelles technologies numériques (initiation à l'informatique). Ce cours permet aux apprenants de découvrir d'autres métiers, principalement dans le secteur primaire, de comprendre et de critiquer les outils utilisés dans chaque domaine, et de les inciter à créer leur propre entreprise.
EEA (Éducation Esthétique et Artistique) : Cette discipline comporte trois volets : les arts plastiques et visuels (développer l'esprit créatif des apprenants à travers le dessin et la peinture), les arts de la scène (principalement la musique, qui aide les apprenants à reconnaître les émotions dans une musique et à créer leurs propres œuvres), et la connaissance de la culture et du patrimoine haïtien (aider les apprenants à découvrir le patrimoine du pays).
EPS (Éducation Physique et Sportive) : Cette discipline est divisée en quatre champs : réaliser une performance motrice optimale, mesurable à une échéance donnée ; se déplacer dans des environnements variés, y compris des milieux aquatiques et grimper aux arbres ; réaliser une prestation corporelle à visée artistique et/ou acrobatique (préparation et présentation de chorégraphies de danse) ; et maîtriser une affrontement interindividuel ou collectif.
Pour l'année scolaire 2023-2024, le ministre Nesmy Manigat a décidé d'évaluer ces quatre matières dans les examens de fin de cycle fondamental (9e AF). Cela a retenu des critiques, notamment dans les écoles privées, qui avancent plusieurs théories, comme le fait que ces matières sont nouvelles, que le cycle fondamental dure neuf ans et que l'on ne peut pas évaluer une matière introduite seulement dans une année. Elles estiment que ces matières devraient être enseignées pendant tout le cycle du 3e cycle, qui dure trois ans. Elles soulignent également l'absence de ressources humaines, matérielles, technologiques et financières pour enseigner ces matières.
Ces affirmations ont une part de vérité. Cependant, ces cours ne sont pas nouveaux ; ils existent depuis quatre décennies, mais sans programme formel. Même s'il n'y avait pas de programme, certaines écoles les enseignaient déjà. Pour l'ETAP, des travaux manuels, des cours professionnels et des leçons d'informatique étaient proposés aux apprenants ; pour l'EPS, les élèves pratiquaient des sports de base (courir, sauter, etc.) et quelques sports d'équipe (football, basket-ball, etc.). L'EEA, en revanche, était souvent négligée, même si quelques écoles proposaient des fanfares, des clubs de théâtre et de poésie, etc.
Sur le plan des ressources humaines , depuis 1999, le Centre de Formation pour l'École Fondamentale de Port-au-Prince (CFEF), une direction du MENFP, forme des enseignants pour le niveau fondamental. Cette formation dure quatre ans : deux ans de tronc commun où sont enseignées les matières du fondamental mentionnées plus haut, à l'exception de l'EEA ; une dé spécialisation ; et une dernière année de stage pratique, dite probation, dans une école fondamentale. Ainsi, pour recruter des enseignants pour ces disciplines, la première porte à frapper est celle du CFEF. Pour l'EEA, il est recommandé de se tourner vers l'ENARTS (École Nationale des Arts) ou l'IERAH/ISERSS.
L'éducation à la citoyenneté (EC) , quant à elle,
est une nouveauté. Cependant, elle est en réalité un détachement de l'éducation civique des sciences sociales. Cette discipline vise à sensibiliser les apprenants à l'histoire du pays, aux valeurs qu'il incarne, au fonctionnement de l'administration publique, et à développer le sens de solidarité et d'acceptation de l'autre.
Face aux crises que l'année scolaire connue, le ministre Nesmy Manigat a décidé de donner la moitié des notes aux élèves pour les quatre matières supplémentaires. Toutefois, un mois avant les évaluations, le nouveau ministre de l'Éducation, M. Antoine Augustin, a décidé de revenir sur cette décision en retirant les quatre matières de l'évaluation.
Sur le papier, ces quatre matières semblent essentielles. Cependant, il est crucial de s'interroger sur les méthodes d'évaluation que le MENFP prévoit. En effet, l'EEA, l'ETAP et l'EPS sont des cours à forte composante pratique, où les apprenants sont appelés à développer des projets observables et utiles. Peut-on évaluer de telles compétences sur du papier comme pour les matières traditionnelles ? Les écoles ont-elles les ressources nécessaires pour appliquer ces programmes, comme la natation, les différents sports de ballon, ou les ateliers de bricolage pour la création de prototypes ? Le nombre d'heures réparties à ces disciplines est-il suffisant, surtout lorsqu'une approche pédagogique différenciée est nécessaire ?
AUGUSTE Jimeson