SOCIETE: Haïti : Migration et Condition de Vie

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Haïti : Migration et Condition de Vie


À leurs risques et périls, les Haïtiens ne se préoccupent que de la destination finale de leur voyage. En dépit des difficultés qui les attendent, ils sont enclins à partir et s’adonnent tous à l’emporte-pièce vers l’ailleurs, considéré comme l'échappatoire par excellence.


De nombreux éléments, au cours de ces trois derniers siècles, persistent à enfoncer le peuple haïtien dans une situation à laquelle il ne trouve pas de moyen de s’en défaire. En commençant par les grands propriétaires terriens qui exploitaient de vastes habitations et la majorité de la population de manière latente, puis par l’occupation américaine de 1915 qui expropriait les paysans de leurs terres. Et enfin, l’implantation des zones franches dans le pays au début des années 2000, qui embauchent et paient les travailleurs d’une maigre pitance. La condition sociale haïtienne n’a jamais été que l’objet de profonde consternation et de rude souffrance. Une souffrance qui, d’ailleurs, pèse de toutes ses forces sur la population en quête d’alternatives pour échapper à ces malheurs quotidiens.


À la recherche d'un avenir moins sombre, privés de leurs lopins de terre, mal rémunérés, découragés et exploités, les Haïtiens connaissent une situation qui les pousse à clamer leur ras-le-bol à un État qui ne répond presque jamais. Ne sachant à quel saint se vouer, ils partent sans jeter un regard en arrière, vers le Brésil, la République Dominicaine, le Chili ou encore les États-Unis. Très souvent, ils utilisent des embarcations de fortune. Hors de la portée des gardes-côtes, ils espèrent traverser les frontières pourvoyeuses d’une vie pleine d’opportunités.


En dépit des contraintes liées au voyage, la solution aux maux de chaque Haïtien semble résider à l’étranger. D’après les sources officielles, 33 000 Haïtiens ont parcouru tout le continent américain en passant par la jungle du Darién durant l’année 2023 en direction de l’eldorado. Quant au programme Humanitarian Parole initié récemment par le président américain Joe Biden, durant la période de janvier 2023 à mai 2024, parmi les quatre pays bénéficiaires de cette aide humanitaire, Haïti occupe la première place en termes de nombre de personnes déplacées, soit près de 190 000 au total. Cette migration massive peut être observée depuis une décennie en amont, soit la période précédant la Coupe du monde de football 2014 au Brésil. Le besoin de quitter le pays pour aller travailler en terre étrangère s'est transformé en une nécessité, due aux difficultés chroniques auxquelles les citoyens haïtiens font face.

 

Mis à part le fait d’être bénéficiaires de programmes sociaux comme l’assurance santé, les bons d’achat et les allocations mensuelles, les autorités étrangères leur laissent les opportunités de travail les plus dures et les plus négligées. Rares sont ceux qui, d’après les témoignages, arrivent à s’intégrer complètement dans la société. En effet, les jeunes ne peuvent accéder aux centres académiques souhaités que grâce aux aides de bienfaiteurs. Même l’allocation d’un appartement représente un véritable défi. Quand ils ne sont pas employés comme débardeurs dans les ports, ils sont utilisés comme lavandiers, chauffeurs, femmes/hommes de ménage ou encore personnes à tout faire. Cela ne serait pas pénible s’ils avaient l’opportunité de gravir les échelons sociaux pour parvenir à un statut plus ou moins considérable, mais hélas ! La majeure partie de ces Haïtiens ne reçoit comme compensation que le minimum nécessaire à leur entretien et, dans le meilleur des cas, un surplus pour aider leurs proches en Haïti.


Le départ des Haïtiens vers les terres étrangères apparaît, à bien des égards, comme un chemin jalonné par un frustrant inconnu. Mais il faut y aller, stipule un de nos interviewés, car on gagne tant bien que mal notre vie, même si c’est au prix de notre dernière goutte de sang. Si auparavant, en Haïti, quelqu’un pouvait être endurci à l’idée de chercher un moyen de s’organiser et de vivre dans le pays, à l’heure actuelle, l’insécurité qui sévit force de toutes ses forces les quelques personnes qui résistaient à hypothéquer leur avenir et leurs biens pour emprunter le même chemin.                                                                               

 

Lutherson Beaugé

Rédacteur à LCI

Etudiant à l’Université d’Etat d’Haïti

Email : luthersonbeauge726@gmail.com

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