La musique une autre arme entre les mains des bandits.

0


L'art a toujours été un élément d'expression et de révolte, qu'il s'agisse de la danse, du théâtre, de la musique, de la peinture, etc. Haïti n'est pas épargnée par cette réalité.


Durant la période des Duvalier, des musiciens comme Manno Charlemagne ont rejeté la dictature à travers diverses chansons. Coupé Cloué, un autre grand artiste de l'époque, l'a fait avec sa chanson « Juge ». Après la dictature, d'autres groupes musicaux et personnalités ont émergé comme Boukman Eksperyans, Défia LAGUEURE avec la célèbre chanson « Opérasyon Dechoukay », Brothers Posse, Ròklò, et bien d'autres.


La relation entre la politique et la musique est tellement palpable que le pouvoir l'utilise pour faire l'éloge, et l'opposition pour le combattre, surtout dans les meringues carnavalesques. D'ailleurs, le pouvoir a droit à un char propre à lui. La musique permet aux artistes d'acquérir une certaine popularité, celle qui les pousse parfois à aspirer au pouvoir. Il y a aussi plusieurs musiciens qui ont occupé de grands postes politiques dans l'État : Manno Charlemagne était maire, Gracia Delva sénateur, Antonio Cheramy dit Don Kato sénateur, et Joseph Michel Martelly président. Sans ceux qui proviennent d'autres secteurs artistiques et ceux qui n'ont pas réussi à compter obtenir un mandat, comme Arnold Antonin, Gaston Jean Adler dit Top Adlerman, et Nice Simon.



Un autre secteur tente désormais d'utiliser la musique comme moyen pour transmettre ses opinions et atteindre le pouvoir : les chefs de gangs. Il est difficile de retrouver la genèse d’une telle action. Le rap est reconnu comme un genre musical violent, mais il s'agissait plutôt de grandes vantardises derrière le micro. Depuis 2016, un artiste appelé Chedy, habitant de la 3e circonscription de Port-au-Prince, notamment à Tibwa, faisait l'éloge de sa zone dans sa musique intitulée « Welcome to Ghetto Bwa », qu'il considérait comme un paradis et qu'il invitait les gens à visiter. Cette musique ne prononçait pas la violence mais louait le chef de zone, Chris-La : « Nous ne serons pas bientôt, nous ne serons pas là, Kris la aura [...] nous serons toujours là, commandants de la flotte 16. »


À partir de 2019, les gangs commencent à connaître une expansion vertigineuse. Ils gagnent du territoire, sortent de leur zone de confort, ayant la superficie d'un terrain de football, pour rendre la capitale du pays dysfonctionnelle. Ils occupent désormais 80 % du territoire. Ils influencent les jeunes avec leur argent diabolique et veulent désormais refaçonner leur esprit avec des musiques remplies de violence. La musique n'est plus l'affaire des soldats ou des admirateurs du groupe, mais celle des chefs de gangs. Ce sont eux qui chantent, rappent et tchapent.



Izo, chef du groupe Village de Dieu, a même reçu un prix YouTube pour ses 100 000 abonnés en avril 2023. Jeff Gwo Lwa, chef du groupe Canaran, tient son micro pour se positionner sur le débarquement de la mission de sécurité en Haïti , affirmant qu'il n'a pas peur avec sa musique intitulée « Di blan yo vini. »


Ces chansons cumulent des milliers de vues sur les réseaux sociaux. Des plateformes et des personnalités connues se diffusent, les bus, les moto-taxis et les fêtes se propagent. Le pire, c'est que des artistes de grande notoriété font des featurettes avec eux et participent à leurs événements. Les enfants, les jeunes et les vieux chantent, les imitent, parfois non pour le message mais pour le rythme, ce qui n'est pas sans conséquence, lorsqu'on considère les paroles : « nou gentan prè pou gè a. »


Leur musique ne prône pas seulement la violence. Certaines chansons sont des témoignages qui recherchent le pardon et la sensibilité de la population. Elles rejettent la plainte des politiciens et des hommes d'affaires corrompus. Elles contiennent une part de vérité qu'on ne peut ignorer, car il y a les bandits à « sapat » et ceux à « cravates », les deux sont fautifs.


Même si l'État, avec l'aide de la communauté internationale, parvient à éradiquer ces nuisances qui gangrènent nos institutions, que fera-t-on de leurs chansons ? Ces musiques que des jeunes de quatre ans connaissent par cœur, car la chanson touche l'âme et, ensuite, poussent à l'action.


Jimeson AUGUSTE

augustejimeson08@gmail.com

Licencié en sciences de l'éducation

Étudiant finissant au CFEF/spécialisation Math-Physique/MENFP

Étudiant en Administration publique à l'INAGHEI/UEH

Enregistrer un commentaire

0Commentaires
Enregistrer un commentaire (0)