Par Jonathan GÉDÉON,
Et bien avant le tremblement de terre dévastateur de 2010, les désastres naturels causaient beaucoup de dégâts à notre économie. Rappelons-nous que le passage de l’ouragan Jeanne en 2004 avait occasionné des pertes et dommages matériels élevés à 476.8 millions de dollars américains, soit 7 % du produit intérieur brut (PIB) de l’époque. Quatre ans après, en 2008, Haïti était victime des méfaits de quatre cyclones majeurs : Faye, Gustave, Hanna et Ike. Les dommages et pertes s’étaient évalués à 1.1 milliard de dollars américains, soit 14.6 % du PIB d’alors.
Plus loin dans ce document, la Banque mondiale nous a
présenté une estimation sur les dommages et les pertes associés aux évènements hydrométéorologiques
arrivés en Haïti de 1976 à 2014. 150 millions de dollars américains perdus par
an en raison de ces évènements, nous a rapportés la Banque mondiale. Ainsi, le
classement de Germanwatch Global Climate Risk Index dans lequel Haïti est
classé en troisième rang des pays les plus affectés par des évènements
climatiques entre 1995 et 2014 ne doit pas nous étonner en aucun cas. À noter
que ces chiffres n’ont même pas considéré les pertes humaines très
considérables engendrées par les désastres naturels. C’est pour nous dire que
les catastrophes naturelles ont déboulonné notre économie.
Ces évènements nous frappent autant à cause que des haïtiens
et des étrangers participent à dégrader notre environnement dans l’optique de
créer des activités économiques pour survivre ou pour s’enrichir. Cela traduit
que la quête du bien-être en cherchant à tout prix la croissance économique, va
avoir des conséquences funestes sur notre milieu naturel. Ce point a attiré
l’attention de certains chercheurs depuis le début
des années 1970.
À cause que la
dégradation de l’environnement était mieux appréhendée par le grand public de l’époque ;
ceci poussait, en 1972, le Club de Rome a publié le célèbre « rapport
Meadows », traduit par l’interrogation « halte à la croissance? ». Ce document a mis en évidence une
corrélation positive entre la croissance économique et la destruction de
l’environnement. À noter que, la croissance se définit communément comme la
hausse du niveau de production, lui-même évaluée par le Produit Intérieur Brut
(PIB), en volume (c’est-à-dire en dehors de la hausse du niveau général des
prix) et de manière globale (pour un pays). Et que l’environnement lui-même est
vu par Michel Prieur (2016 : 1 cité par Julien Gourin, 2021 : 27) comme
étant « l'ensemble des
facteurs qui influent
sur le milieu dans lequel l'Homme vit ».
Une décennie plus tard, soit
dans les années 1980, le débat autour des limites écologiques du progrès
économique tenait toujours l’actualité, surtout avec la venue du concept de
développement durable. À
rappeler que, ce terme apparaît pour la première fois en 1980 et il est
entériné lors de la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le
développement de Rio de Janeiro en 1992. Sa définition la plus simple (celle du
rapport Brundtland) est la suivante : « Le
développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux
leurs. ».
De surcroît, plus près de
nous, soit le 30 octobre 2006, l’ancien économiste en chef de la Banque
Mondiale Stern a publié un compte-rendu relevant les dangers auxquels l’humanité
est exposée, notamment au changement climatique, si rien n’est fait dans la
logique de production pour freiner la destruction des écosystèmes. Ce bulletin
a conclu qu’avec l’exacerbation du changement climatique, le monde risque de
connaître : une crise plus profonde que celle des années 1930 avec un
effondrement de 20% de la production économique, des déplacements d’environ 200
millions de personnes victimes de la sécheresse ou d’inondations, des conflits
politiques internes et externes du fait d'ʹune situation caractérisée par une
pénurie d’eau pour un sixième de l’humanité, une diminution des rendements
agricoles, une perte de la biodiversité en général évaluée à 40 % des espèces
animales, etc.
Utilisant les
résultats de modèles économiques officiels, le rapport Stern estime que si nous ne faisons
rien, et continuons le « business as
usual », les coûts et les risques
globaux du changement climatique seront équivalents à
une perte d’au moins 5 % du PIB mondial chaque
année, et ce pour toujours. Et dans certaines situations extrêmes, les
dommages pourraient s’élever jusqu’à 20 % du PIB, voire plus. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat (GIEC), de sa part, avance qu’au rythme où vont les choses, la
température pourrait atteindre le plafond de 5,8 degrés d’ici à 2100. Tous ces intérêts portés à ce sujet et
les alertes lancées par Stern et d’autres intellectuels sur les jours sombres
qui attendent notre planète si nous continuerions sur cette voie, nous
suscitent à réfléchir sur les raisons qui peuvent expliquer cette opposition
entre la croissance économique et la préservation de l’environnement.
L’environnement appartient à la catégorie des biens publics ou
collectifs. C’est-à-dire des biens dont leur consommation est non-rivale – la
consommation d’une unité du bien par un individu n’empêche pas sa consommation
par un autre individu – et non exclusive – dans l’état considéré, il n’est pas
possible d’exclure une personne de la consommation du bien. Ce faisant, les êtres humains surutilisent
l’environnement dans l’optique de maximiser le profit qu’ils puissent en tirer.
Les agents économiques se livrent donc à une rude concurrence pour voir qui
pourraient s’enrichir le plus en utilisant les intrants environnementaux. Telle
est la tragédie des biens communs décrite par l’économiste Garrett James Hardin (1968).
Et l’utilisation de ces intrants nuit de façon énorme à ce bien
collectif, sans le prendre en considération dans le calcul de la rentabilité de
ces actions. Ce fait qui était ignoré par les économistes classiques qui
croyaient fermement dans la logique de la main invisible d’Adam Smith, est
appelé externalité. Cette dernière peut être
positive ou négative. Par exemple, l’usine qui pollue une rivière, obligeant
les utilisateurs en aval à épurer l’eau pour s’en servir; commet une
externalité négative. Par contre, une industrie qui produit des objets avec des
détritus, exerce une externalité positive sur la biosphère.
La démarche structurelle de la relation entre
croissance et environnement a été initialement appréhendée avec la formule
posée par Ehrlich et Holdren (1971) : I=P.A.T, où I est la pression sur
l’environnement, P est la taille de la population, A est le niveau de
consommation par tête et T est un indice de la technologie. La force de cette
relation est qu’elle est très intuitive. En revanche, sa faiblesse c’est
qu’elle est une relation qui permet de décrire, mais qui n’explique rien.
Avec le temps, on se rend compte vraiment que les
activités humaines sont les véritables prédateurs de la nature. Les propos
suivants en sont une très bonne illustration. En 1700, seulement 5% des terres
de la biosphère étaient accaparées par des activités anthropiques intensives
(agriculture, villes), 45% étaient dans un état semi-naturel et 50% totalement
sauvages. Néanmoins, en 2000, 55% de la biosphère étaient accaparées par des
activités intensives de l’espèce humaine, 20% étaient dans un état semi-naturel
et 25% sauvages (Ellis et al, 2010). En outre,
surpêche, pollution des eaux souterraines, émission de gaz à effet de serre,
production de déchets ménagers, diffusion des produits chimiques, pollution
atmosphérique due aux particules fines, érosion des terres, déforestation, production de déchets radioactifs,
sont tous en augmentation constante depuis 1980.
Ceux-ci
ont causé l’augmentation de la quantité de gaz à effet de serre - CO2, le principal de
ces gaz. Cependant, il y a aussi la vapeur d’eau et l’ozone. Mais le dioxyde
de carbone (CO2) reste le plus important. - dans
l’atmosphère à 30% depuis l’ère préindustrielle, augmentant par la suite la température mondiale ayant comme conséquences: montée du niveau de la mer, déstabilisation
de la régularité climatique, disparition de 800 espèces et menace d’extinction
de 11 000 autres, mort de 27% des récifs de corail dans les zones
côtières, utilisation de 70% des volumes d’eau par l’agriculture, fonte
des glaces, progression des zones arides, catastrophes climatiques destructrices,
la destruction des sols, l’assèchement et l’empoisonnement des nappes
phréatiques, la désertification, la dissémination de parasites indésirables, le
risque de ravages microbiens… Somme toute, on peut confirmer qu’il y a une
relation conflictuelle entre la croissance économique et la protection de
l’environnement.
Jonathan
GÉDÉON, étudiant finissant en Sciences Comptables et en Sciences Économiques