SOCIÉTÉ: Basant sur la légitime défense, le CARDH a justifié le bien-fondé du mouvement « bwa kale »

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 Durant l'ampleur prise par le mouvement « bwa kale » au cours du mois de mai dernier, on a observé sur les réseaux sociaux une vague de critique tentant de dénoncer cette réaction populaire. D'aucuns ont pensé qu'il aurait été mieux que la population a fait appel aux autorités policières lorsqu'elle interceptait un bandit ou une personne suspecte. Ces dénonciations laissent penser que le phénomène « bwakale » n'aurait aucun fondement juridiqueToutefois, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), dans son rapport paru ce 24 juin 2023, intitulé : Impacts du « bwa kale » sur l’insécurité et le kidnapping en Haïtipour un encadrement et une sécurité durablea profité de dégager le bien-fondé juridique du mouvement. Il a appuyé son analyse sur le droit à la légitime défense.


Cet organisme de droits humains a défini la légitime défense comme : « Un droit naturel consacré par tous les pays. Elle permet de se défendre, de se protéger. Les moyens utilisés dans cette circonstance sont interdits dans une autre situation. C’est donc l’exception qui confirme la règle. »Parmi les conditions essentielles pouvant justifier la légitime défense, le CARDH a fait mention d’une défense nécessaire à laprotection, c’est-à-dire que la riposte est la seule solution et dela proportionnalité des moyens utilisés. De surcroît, le CARDH nous a rappelés que le droit haïtien garantit le droit à la légitime défense. Ce faisant, « l’homicide, les coups et les blessures ne sont considérés ni comme un crime, ni comme un délit. » a indiqué cet organisme puisque l’article 273 du code pénal stipule que : « Il n’y a ni crime, ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui », nous a révélés ce Centre de droits humains.


Tout en reconnaissant que ce code pénal datant de 1800 est désuet, le CARDH nous a précisés les deux circonstances fondamentales précisées par ce dit code pour parler de légitime défense. i) Quand l'homicide, les blessures ou les coups est commis pendant la nuit en repoussant une escalade, une effraction de clôtures, de murs ou de l’entrée d'une maison ou d’un appartement habité, ou de leurs dépendances ; ii) Quand ces actes commis visent à se défendent contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. « Sont compris dans les cas de nécessité actuelle de défense, les deux cas suivants :  Si l'homicide a été commis, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés en repoussant pendant la nuit, l'escalade, ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d’un appartement habité, ou de leurs dépendances. Si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. », a-t-il ajouté.



L’organisation de défense des droits humains a pris l’exemple de la France, du Canada et des États-Unis parmi une pléiade de pays consacrant la légitime défense. À ce point, elle a citél’article 122-5 du code pénal français qui stipule : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction. ».


Dans cet même ordre d’idées, elle a souligné l’article 34 du code criminel canadien (L.R.C. (1985), ch. C-46), consacré à la protection de la personne, qui prescrit que « N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois : a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne; b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger - ou de défendre ou de protéger une autre personne - contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force; c) agit de façon raisonnable dans les circonstances. ». Et, elle nous a appris aussi que la légitime défense est belle et bien existéaux États-Unis. La seule chose, les conditions de ce droit naturel varient d’un État à un autre.


La légitime défense est également abordée au niveau du droit international, si l’on croit le CARDH. Elle est « un droit de réaction armée dont dispose tout État victime d’une agression arméeElle est donc une exception coutumière au principe général d’interdiction du recours à la force armée dans les relations internationales, consacré par le 4ème alinéa de l’article 2 de la Charte des Nations Unies […] », a argué le Centre de défense des droits humains. Néanmoins, il a reconnu qu’il y a une sorte de controverse autour se l’utilisation de ce droit naturel au niveau multilatéral. Car, certains pays ont l’habitude de cacher derrière la fameuse « légitime défense préventive » pour envahir des territoires étrangers. Il nous a donnés quelques exemples éloquents pour corroborer son point de vue. Les cas d’Allemagne qui a invoqué en 1914 la légitime défense préventive pour tenter de justifier son agression contre la Belgique, en affirmant qu’elle était menacée par la France ; et le président Bush qui a invoqué la légitime défense préventive pour tenter de justifier son intervention militaire en Irak, suite aux attentats du 11 septembre 2001 dans le sens que l’Irak présenterait une « menace potentielle » pour la sécurité nationale des États-Unis et de ses alliés d’armement militaire, sont entre autres des illustrations données par le CARDH dans cette lignée. 


Au bout du compte, ce rapport de cet organisme, en plus de dresser un bilan des conséquences du mouvement « bwakale » et de plaider pour son encadrement, nous donne des pistes pour analyser ce phénomène sur un angle juridique. Si l’on est habitué aux organisations de droits humains qui ont venu défendre le droit à la vie dont disposent les bandits aussi, comme quoi pour dire implicitement que les citoyens paisibles ne devraient pas tuer les criminels, cet organisme lui-même prend le contre-pied de de ce discours dominant en cherchant plutôt à justifier ce mouvement de résistance lancé par la population.

 


Jonathan GÉDÉON, étudiant finissant en Sciences Économiques et en Sciences Comptables

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