POESIE: KerryBens : L'Art du Slam et l'évolution d'un Poète Haïtien

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Haïti est un pays riche en talent, que ce soit des chanteurs, des danseurs ou des slameurs. Ils sont nombreux à vouloir s'exprimer à travers leur art. Même s'ils ne bénéficient pas d'un encadrement, cela ne les empêche pas de travailler assidûment pour atteindre le sommet. « Les Cahiers de l’INAGHEI » a rencontré Alexandre Roubens,de son nom de plume Kerrybens, un jeune slameur évoluant à Port-au-Prince, ayant fait du slam un mode de vie.

 


- Les Cahiers de l’INAGHEI (LCI): Qui est Alexandre Roubens?

-Alexandre Roubens : Alexandre Roubens est né à Jérémie, plus précisément à Doudouche, le 9 novembre 1996. Il est l'aîné de sa famille. Cependant, il admet avoir connu une enfance difficile en raison de la séparation de ses parents. Son plus grand rêve était de les voir se réunir à nouveau. Mais plus tard, il a dû renoncer à cette illusion qui lui faisait perdre du temps, afin de se concentrer sur ses passions. Selon lui, la créativité et la capacité à surmonter tous les obstacles sont ce qui compte le plus. Après avoir terminé ses études en 2019, il est aujourd'hui graphiste professionnel. Il étudie également la gestion et le marketing au CEDI.

Roubens est un slameur passionné qui aime ce qu'il fait. Il serait difficile de ne pas avoir entendu un jour l'un de ses textes. De ses débuts au conseil pour les jeunes qui veulent emprunter le chemin du slam, il nous a beaucoup parlé de son talent. Découvrons dans les lignes suivantes les mots de ce grand écrivain.

 

-LCI : Depuis quand pratiquez-vous le slam ?

-Roubens : J'ai commencé à écrire de petits poèmes à l'occasion de la fête des mères en 2012. J'étais en classe de 5e année et j'ai été fasciné par l'adresse et les mots d'un jeune venu vendre des textes à l'école. Depuis ce jour, j'ai décidé d'essayer moi aussi. J'ai continué cette activité pour rendre fier celui qui nous a malheureusement quittés. À une époque, je parcourais les établissements de la capitale avec des textes que j'écrivais avec plaisir, que je vendais ensuite aux élèves. En écoutant certains slameurs, j'ai réalisé que ce qu'ils faisaient était très proche de ce que je faisais moi-même. J'ai donc décidé de me lancer officiellement avec une démo intitulée "Mwen renmen w" en 2016. Il comportait 5 pistes.

 

-LCI : Pourquoi avez-vous choisi le slam ?

 -Roubens : J'ai choisi de faire du slam parce que cet art me fascine. Chaque fois que je veux exprimer des émotions ou des revendications, c'est le principal moyen qui s'offre à moi. J'en suis éperdument amoureux. Cependant, je tiens à préciser que je ne fais pas que du slam ; je rappe aussi et j'ai chanté par le passé. D'ailleurs, sur mon prochain album intitulé "Miltifa7", qui sortira en août si Dieu le veut, je m'essaie aux trois styles.

 

-LCI: D'où vient le pseudonyme "KerryBens" ?

 -Roubens : Étant un fan passionné de Kery James, j'ai choisi mon pseudonyme en m'inspirant de son nom. J'ai pris "Kerry" et l'ai associé à "Bens", la dernière syllabe de mon prénom. C'est ma façon de lui témoigner mon amour et mon admiration.

 

-LCI : Quels obstacles avez-vous rencontrés au début de votre parcours ?

 -Roubens : Il était difficile de ne pas perdre confiance, car peu de personnes s'intéressaient à ce que je faisais et cela ne me rapportait pas grand-chose. Sans une détermination inébranlable, j'aurais pu abandonner. Mais j'ai persévéré, car je crois en mon talent et en ma capacité à surmonter les difficultés.

 

-LCI : Quel slameur vous inspire le plus ?

 -Roubens: Au début, c'était logiquement Grand Corps Malade, car il est le principal pionnier de l'internationalisation du slam. Avec le temps, j'ai développé un amour particulier pour Makanaky. J'ai grandi en appréciant des amis que je considère comme mes frères, tels que James Cadet ainsi que ceux du Collectif Entre Nous, notamment Balthazar et Deroty, le roi des vers.

 

-LCI : Combien de textes avez-vous déjà publiés ?

 -Roubens : J'ai déjà publié environ 23 textes, allant de "De Vizyon nan yon rèv" à "Papa neve m". J'ai également réalisé plusieurs collaborations avec d'autres artistes.

 

-LCI : Vos textes sont majoritairement sentimentaux. Pourquoi l'amour vous inspire-t-il autant ?

 -Roubens : Tout simplement parce que je vis pour aimer et être aimé. Je crois que l'amour est la force motrice la plus puissante dans la vie d'un être humain. L'amour a le pouvoir de nous permettre d'atteindre le bonheur parfait d'un simple regard. Je pense qu'avec, par et pour l'amour, nous sommes capables de tout accomplir !


 

-LCI : Comment voyez-vous l'avenir du slam en Haïti ? Pensez-vous qu'un slameur peut avoir une grande carrière dans ce pays ?

 -Roubens : Il est évident que le slam gagne du terrain en Haïti. Ce n'est peut-être pas encore l'une des tendances les plus connues et appréciées, mais selon moi, il est en constante progression. Le public consomme de plus en plus de slam, les slameurs abordent des sujets plus variés et les organisateurs d'événements accordent davantage d'estime aux slameurs. Nous avançons lentement mais sûrement. Je crois fermement que c'est possible ! D'ailleurs, je me bats pour cela. L'essentiel est de savoir quoi faire pour se donner les moyens nécessaires. Avec le soutien du ministère de la Culture, une valorisation des carrières des slameurs et un plus grand engagement et intérêt de la part des jeunes, le slam peut connaître un véritable succès en Haïti.

 

-LCI : Avez-vous remporté des prix dans votre carrière artistique ?

 -Roubens : En 2019, j'ai remporté le prix de la meilleure production audio de l'année grâce à mon texte "Allo", et en 2021, j'ai remporté le prix de la meilleure vidéo de l'année avec "Triste réalité". La première distinction m'a été décernée par Slamorap, l'é mission unique dédiée au slam à l'époque, et la seconde a été attribuée par la Fédération Haïtienne de Slam Poésie (FEHASP).

 

-LCI : Comment gérez-vous vos activités académiques tout en menant une carrière artistique ?

 -Roubens : Ce n'est pas facile, mais je m'efforce de faire les sacrifices nécessaires, car je veux concilier les deux à tout prix. Je définis mes priorités quotidiennes et j'organise mon temps en conséquence. Cela demande une discipline rigoureuse et une bonne gestion de mon emploi du temps, mais je suis déterminé à poursuivre mes études tout en développant ma carrière artistique.

 

-LCI : Le 15 juin dernier, vous avez publié une œuvre traitant de la violence sexuelle envers les hommes. Qu'est-ce qui vous a poussé à aborder ce sujet ?

 -Roubens : J'ai constaté que la société a tendance à minimiser les agressions sexuelles et les viols lorsque les victimes sont de sexe masculin. J'ai décidé de dénoncer cette mauvaise pratique, qui risque d’entraîner des conséquences néfastes sur la vie des victimes, sur les familles auxquelles elles appartiennent et sur la société dans son ensemble. Il est important de sensibiliser et de briser les stéréotypes liés à la violence sexuelle, quel que soit le genre des victimes.

 

-LCI : Vous considérez-vous comme un slameur accompli ?

 -Roubens : Je dirais plutôt que je suis sur la voie du succès. Je me suis fixé pour mission de toujours faire la différence en proposant des choses nouvelles dans le domaine du slam, et je saisis chaque opportunité pour le faire. Je suis devenu une référence en matière de création et de performance, mais je sais qu'il y a encore beaucoup à accomplir et à apprendre. Je suis constamment en quête de croissance et d'amélioration.

 

-LCI : Quels conseils donneriez-vous à ceux et celles qui souhaitent emprunter le chemin du slam ?

 -Roubens : Tout d'abord, je leur souhaiterais la bienvenue dans cette belle communauté artistique. Ensuite, je leur prodiguerais les conseils suivants : apprenez des slameurs plus expérimentés, aimez ce que vous faites et soyez votre premier et plus grand fan. Cherchez constamment à être original, croyez en vous-même, visez haut, gardez votre optimisme et ajoutez constamment de la valeur à votre talent. Le reste suivra automatiquement ! Le chemin du slam peut être exigeant, mais il est aussi gratifiant. Saisissez chaque opportunité pour vous exprimer et laissez votre voix résonner à travers vos mots.

 

Loubenchy SIMY/LCI

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