ECONOMIE: Haïti perd en moyenne 12 millions de dollars américains par an dans la filière de "lam veritab", révèle l’économiste Enomy Germain.

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     Par Jonathan  GÉDÉON 


Le fruit à pain, connu par la population haïtienne sur le nom de lam veritab, est un exemple de gaspillage alimentaire en Haïti, dixit le Professeur Germain dans sa dernière rubrique Econo Plus qu'il a présentée ce jeudi 20 juillet. En effet, si le pays produit en moyenne entre 40 000 et 50 000 tonnes de fruit à pain par année, 40 000 tonnes (soit 80% de la production) sont perdues après la récolte, soutient M. Germain. Cependant, pour M. Maxwell Marcelin de l’entreprise Agrilog (une entreprise de transformation de lam veritab), ce sont plutôt 65 000 tonnes de fruit à pain qui sont perdues par année à cause des difficultés de conservation.


Quel que soit le nombre considéré parmi ces deux montre que chaque année cette filière agricole connaît des pertes énormes. En valeur monétaire, c’est une perte de 12 millions de dollars américains par an pour seulement environ 3 millions de dollars sauvés, d’après l’économiste Germain qui se réfère au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) qui a souligné que chaque tonne de fruit à pain équivaut à 300 dollars. Cette perte est due du fait que la production du lam veritab est circonscrite dans le temps. Trois jours seulement après sa cueillette, il commence à pourrir.

Le chargé de cours au Centre Techniques de Planification et d’Économie Appliquée (CTPEA) nous a informés que le lam veritab est le deuxième fruit le plus consommé en Haïti, après l’avocat. De surcroît, il nous a montrés que ce fruit peut aider à remédier à l’insécurité alimentaire en Haïti, puisqu’il peut agir sur les trois piliers essentiels de l’insécurité alimentaire. Pour corroborer sa thèse, il avance que : 1) Le fruit à pain est doté de fortes valeurs nutritives (riche en vitamine C, en glucide, en fibre et en minéraux essentiels) ; 2) Le Lam veritab a le potentiel pour booster l’offre alimentaire en Haïti, notamment parce qu’il peut participer dans la production de 20 produits qui sont essentiels dans le pays ; 3) Cet aliment peut favoriser le pouvoir d’achat, parce qu’il peut procurer du revenu aux paysans.


L’idée faisant croire que le fruit à pain peut aider à combattre l’insécurité alimentaire dans le pays est véhiculée aussi par d’autres experts dans le domaine. À titre d’exemple, dans le colloque organisé ce 7 juillet, dans les locaux du Karibe Convention Center, le conseiller technique principal de l’Organisation internationale du Travail (OIT), à savoir M. Fabrice Leclercq, a tenu des propos allant dans le même sens. En fait, il a déclaré que : « La promotion de cette chaîne de valeur permet d’encourager ainsi une plus grande autonomie haïtienne dans la production alimentaire et de contribuer à réduire l’insécurité alimentaire dont l’incidence est de plus de 60% aujourd’hui dans la Grand’Anse », déclaration rapportée par le quotidien Le Nouvelliste. Point de vue partagé également par la coordinatrice résidente et humanitaire des Nations unies en Haïti, Ulrika Richardson qui, croit que le fruit à pain peut représenter une vraie contribution à l’économie haïtienne.


Quant aux valeurs nutritives de cet aliment, M. Leclercq a dit presque les mêmes choses avec M. Germain. Il a soutenu que ce produit est riche en vitamine B, C, OMEGA3, OMEGA5 et en minéraux. De plus, il a précisé que ce nutriment permet d’améliorer la défense naturelle du corps et est naturellement sans gluten. Fort de cela, M. Leclercq a encouragé à inclure ce produit dans les menus des étudiants.


À rappeler que, le colloque du 7 juillet était réalisé dans l’optique de 
braquer les projecteurs sur le potentiel commercial, nutritionnel, industriel et pharmaceutique de cette filière agricole. Il était l’œuvre de l’OIT avec le support du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST). Il s’inscrit dans le cadre des programmes du Bureau international du Travail (BIT), de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), financés par le fonds des ODD (Objectifs de développement durable) dédié aux petits États insulaires en développement. Des experts de divers horizons y étaient réunis. Le Professeur Germain était parmi les intervenants.

À bien écouter le PDG de ProEco dans sa dernière rubrique, il paraît qu’une telle initiative n’est pas nouvelle. Étant donné qu’il a cité entre autres le nom de Talot BERTRAND de PROMODEV qui a fait des plaidoyers visant à promouvoir cet aliment. Malgré des colloques et des plaidoyers, ce produit n’est pas encore traité à sa juste valeur. C’est pour cela, l’auteur du livre « Pourquoi Haïti peut réussir ? » préconise ces conseils aux leaders du pays : Renforcer la production du fruit à pain tout en réduisant les pertes, Transformer lam veritab en des produits non périssables et Promouvoir cet aliment local en vue de modifier le comportement des haïtiens à son égard.

C’est urgent pour les autorités d’appliquer les conseils divulgués par le présentateur de la rubrique Econo Plus. Car, au cours de la dernière visite de M. Marcelin dans la Grand’Anse, il a pu constater que les habitants de cette région découvraient que la planche produite à partir du lam veritab est de qualité. Autrement dit, si rien n’est fait pour valoriser ce produit dans cette région, nous risquons voir sa disparition dans ce département dans les années à venir.

Dans les tentatives de valoriser ce produit, l’entreprise Agrilog peut en servir d’exemple. Intervenant au micro du journal Le Nouvelliste lors du colloque, le représentant de cette entreprise a précisé que : « C’est la transformation qui permet de valoriser le produit et de l’utiliser à quatre niveaux. Au premier niveau, on le transforme en farine simple sans gluten pour l’exportation. À un deuxième niveau, on vend la farine sur le marché local pour la consommation des familles haïtiennes. Au troisième niveau, Agrilog est en train de négocier avec le PAM pour introduire la comparette en portion individuelle comme des snacks. Enfin, quatrième niveau, on prend la farine de "lam veritab" que l’on mélange avec d’autres farines (farine patate à chair orange), pour faire de la bouillie nutritive pour la famille ».


Plus loin, il a mentionné que : « […] Nous avons un atelier dans la commune de Dame Marie qui est cofinancé. Cet atelier transforme le "lam veritab" que nous achetons aux planteurs en farine qui est utilisée sous plusieurs formes. Avec l’apport de l’Université Quisqueya, nous avons une nouvelle proposition pour les boulangeries qui, désormais, ont la chance de substituer de la farine de "lam veritab" à 10% de la quantité de farine de blé qu'elles utilisaient autrefois. Ce mélange produit un pain d’aussi bonne qualité que la farine de blé ».

 

Jonathan GÉDÉON, étudiant finissant en Sciences Comptables et en Sciences Économiques.

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