Jovenel MOISE, au point d’un referendum constitutionnel dans la jungle de l’Inconstitutionnalité avec son Conseil Electoral Politique (CEP)

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        De sombres évènements malheureux semblent s’annoncer dans le pays dans un contexte de mauvaise gouvernance liée à des problèmes majeurs comme l’instabilité politique, l’insécurité, la perte d’emplois et le chômage, la fuite de cerveaux et autres. A cela, s’ajoute le débat autour du mandat constitutionnel du pouvoir en place qui pour certains doit être bouclé le 07 février 2021, et 2022 pour d’autres. En effet, ce qui se passe actuellement chez nous est grave dans la mesure où l’on n’arrive pas à nous entendre pour mener ce pays. Ce qui semble satisfaire et profiter au blanc -l’étranger- qui ne rate jamais une occasion de dicter ses positions, ses ordres, voire même ses menaces camouflées à des patriotes qui se disent partisans de la démocratie même si leur conception d’un tel principe s’éloigne très souvent des idéaux républicains et populaires eu égard à leurs comportements nocifs et trop dictés par l’assouvissement de simples petits intérêts personnels au détriment de la majorité qu’ils prétendent défendre. Il y en a qui les revendiquent de l’Opposition, d’autres qui les accusent de connivence avec le Pouvoir, mais nous, nous les considérons, comme des compatriotes. En tout cas, ce n’est pas là la question… on y reviendra.

        Parallèlement, suite à la publication de l’Arrêté présidentiel du 18 septembre 2020 nommant les membres du CEP, les débats prennent une orientation beaucoup plus sérieuse dans la mesure où c’et le système républicain et démocratique qui se trouvent en jeu. Plusieurs secteurs ont refusé d’envoyer leurs représentants au CEP suite à la demande formulée par l’Exécutif. C’est probablement parce qu’après la lecture faite du contexte socio-politique macabre, ils estiment de jouer de préférence la prudence au lieu de se mettre aveuglement au service de la République, d’un président contesté et dont le mandat touche presqu’à sa fin. En tout cas, si on peut les juger par cet acte de refus catégorique et motivé, on dira que leur action est citoyenne puisqu’ils semblent vouloir éviter une catastrophe électorale avec Jovenel MOISE. Mais lorsque en dépit de tout, suite à la démission de la troupe de Léopold BERLANGER au CEP, le processus d’aboutir à la formation d’un nouveau CEP semble échouer, et que l’Ambassade américaine vient tweeter et proférer intelligemment ses menaces, l’action de l’Exécutif devient suspecte lorsque celui-ci n’a pas tarde à nommer les membres d’un CEP avec quelques secteurs de la vie nationale choisis au hasard comme dans un cours de probabilité.. Garant de la bonne marche des institutions, il est urgent et de bon ton que le président de la République puisse jouer véritablement son rôle en vue de la sauvegarde des principes démocratiques.

        Ne voulant pas la transition, il invite par cet acte l’opposition à se présenter aux élections. De plus… une occasion se présente : Celle d’une nouvelle Constitution en deho5s des normes en absence du parlement. A qui la faute ? Tout le monde tire sa part de responsabilité. Cependant, il est clair que la troupe à Gary BODEAU et Joseph LAMBERT a grandement contribué à offrir à la nation entière ce spectacle de plus intéressant de par son irresponsabilité et le bilan d’échec du parlement malgré les efforts consentis par la Commission présidée par Jerry TARDIEU sur la question de la Réforme constitutionnelle qui n’a pas abouti à défaut de nombreux paramètres politiques au niveau de ce cercle éminemment politique où s’installent nos représentants de l’Assemblée Nationale. Ce qui amène désormais l’Exécutif à livrer le destin de la République aux mains d’un CEP nouvellement formé avec pour mission de : 1- D’organiser le referendum constitutionnel afin de doter le pays d’une nouvelle Constitution ; 2- D’Organiser les élections locales, municipales, législatives et présidentielle ; 3- D’organiser les élections pour tous autres postes vacants ou qui pourraient le devenir en attendant l’Etablissement du Conseil Electoral Permanent La première attribution de CEP est sujette à des réflexions et des débats interminables nous renvoyant aux dispositions constitutionnelles et législatives qui régissent le referendum dans quelques pays :

        En effet, le référendum est une procédure de vote permettant de consulter directement les électeurs sur une question ou un texte, qui ne sera adopté qu’en cas de réponse positive. Au Royaume-Uni par exemple, au cours de ces 20 dernières années, l’examen de la pratique référendaire s’est révélé d’autant plus nécessaire que l’absence de dispositions constitutionnelles par le referendum. Cela n’empêche pas l’organisation de telles consultations. 

        En Allemagne et en suisse, les dispositions fédérales sont étudiées quoique les constitutions de la plupart des länder allemands et les cantons suisses prévoient le recours à la pratique référendaire. Ici, l’initiative populaire ne peut porter sur des projets de loi ordinaire au niveau fédéral conduisant à la multiplication des initiatives constitutionnelles sur les sujets les plus variés.

        Aux USA, quoique le referendum à l’échelon fédéral soit ignoré, des Etats comme la Californie y ont recours de plus en plus. Cela n’empêche pas de présenter une synthèse des différentes dispositions étatiques en l’absence des dispositions fédérales. Ainsi, on peut identifier les referendums de consultation des referendums de décision. Si juridiquement, les premiers n’ont pas de valeur contraignante, ces derniers sont normatifs ou abrogatifs en ce sens qu’ils permettent l’entrée en vigueur d’un texte ou l’abrogation partielle ou totale de dispositions préexistantes. Au fait, en fonction de leur objet, parmi les referendums de décision, on peut distinguer les referendums constitutionnels et les referendums législatifs. Il faut toutefois souligner que l’initiative populaire lui permettant de déclencher la procédure de modification, d’abrogation et d’adoption de nouvelles normes en place et lieu de celles préexistantes, n’est prise en compte que dans le cas où elle donne lieu à un referendum.

        Dans certains pays de l’Europe par exemple, le referendum constitutionnel est applicable alors que le referendum législatif n’est conçu que comme un droit de veto sur les actes votés par le parlement. Mais dans d’autres pays comme la Grèce, l’Espagne, le referendum consultatif y est explicitement prévu. En autorisant d’une part, la soumission à referendum des « décisions politiques d’une importance particulière « sur proposition émanant du premier ministre après accord du Congrès des députes à la majorité absolue, et d’autre part, dans le cas Grec, par le fait d’autoriser le Président de la République, sur initiative du Conseil des ministres approuvée par la majorité absolue des membres de la chambre des députés, à recourir au referendum sur « les questions internationales graves ». En ce qui a trait à l’Espagne, le referendum constitutionnel n’est obligatoire que pour certaines révisions constitutionnelles comme les révisions intégrales et considérées comme fondamentales du fait qu’ils portent sur les droits et principes fondamentaux et les libertés publiques. Les autres révisions tiennent lieu qu’à la demande d’un dixième de l’une des deux chambres. Dans le cas du referendum législatif, toutes ces formes existent dans les différents Etats américains qui selon le cas peut être obligatoire ou facultatif, avec un champ circonscrit ou non. En ce sens, il est abrogatif ou normatif, organisé à la demande du parlement ou à la suite d’une initiative populaire. Dans des pays européens, ce type de referendum résulte essentiellement en un droit de veto pour empêcher l’entrée en vigueur de projets récemment votés par le parlement (Danemark, Suisse, Irlande).

Et dans le cas d’Haïti ?

        En 1961, le Président François DUVALIER organisa une consultation électorale afin de prolonger le mandat présidentiel. Ce qui lui a permis de prolonger son mandat jusqu’à 1967. Toute opposition muselée, adversaires politiques exilés, cette modification constitutionnelle s’est soldée par 100% des bulletins en faveur du Président. Après cette première consultation électorale réussie, le 14 juin 1964, François DUVALIER organisa un referendum afin de modifier la constitution qui lui permit de rester indéfiniment au pouvoir. Plus tard, en 1971, Papa Doc, voulant nommer son fils au pouvoir comme successeur légitime, voulut légitimer sa succession à la tête du pouvoir. Ce qui obligea rapidement les députés de la chambre monocamérale à adopter les 13 articles amendant la constitution de 1964, qui sera plus tard approuvée par la chambre des députés le 15 Janvier 1971, suivi par l’appel du peuple au vote par référendum de l’ensemble de ces modifications constitutionnelles dont le résultat en faveur du Président fut sans surprise. La dernière en liste est la consultation électorale organisée par le Président Jean-Claude DUVALIER pour amender la constitution de 1983.

        On le sait tous qu’après 1986, en vue de réduire les limites du pouvoir de l’Exécutif, on a eu recours à la Constitution de 1987 ayant réorganisé le régime du politique du pays, bannissant désormais le recours à la dictature et aussi interdisant le referendum populaire, définissant la procédure d’élection du président de la République au suffrage universel direct à la majorité absolue des votants.

Que dit la Constitution haïtienne en vigueur ?

            Le procédé le plus démocratique serait que la Constitution soit élaborée par l’initiative populaire et ratifiée par voie référendaire. Mais, notre constitution ne l’admet pas. On doit être clair là- dessus. Pour la modifier et des conditions formelles et des conditions matérielles doivent être réunies tout en garantissant la suprématie constitutionnelle des normes. Les premières conditions renvoient à distinguer le pouvoir Constituant originaire (en 1987, le peuple haïtien) et le pouvoir Constituant dérivé ou établi. Cela dit d’une part, qu’en vertu des conditions formelles il faut d’abord l’initiative d’amendement, ensuite le moment de le faire, la majorité qui peut être aggravée ou qualifiée en plus des 2/3 du parlement et enfin la date d’entrée en vigueur. Et d’autre part, les conditions matérielles ou de fond consistent à garder premièrement le caractère démocratique de la Constitution en ce sens que le pouvoir doit émaner du suffrage universel et deuxièmement le caractère républicain en garantissant le respect des droits, et des principes fondamentaux de la personne humaine. Ces conditions nous renvoient directement à la distinction entre Constitution souple et Constitution rigide. Quoique selon nous, il serait mieux que la Constitution soit plus ou moins rigide.

        Cependant, on ne peut pas modifier la Constitution de n’importe quelle manière puisqu’elle émane de l’expression de la volonté générale. L’une des attributions de l’Assemblée Nationale selon l’article 98.3 de la constitution du 29 mars 1987 amendée est d’amender la Constitution selon la procédure qui y est indiquée. Laquelle procédure est décrite à l’article 282 de la Loi Mère : « Le pouvoir législatif, sur la proposition de l’une des deux (2) chambres ou du pouvoir Exécutif, a le droit de déclarer qu’il y a lieu d’amender la Constitution, avec motifs à l’appui ». L’article 282.1 poursuit en indiquant que : « cette déclaration doit réunir l’adhésion des deux tiers (2/3) de chacune des deux (2) chambres. Elle ne peut être faite qu’au cours de la dernière session ordinaire d’une Législature et est publiée immédiatement sur toute l’étendue du Territoire ». De plus « A la première session de la législature suivante, les deux chambres se réunissent en Assemblée Nationale et statuent sur l’amendement proposé » (Art 283). En fixant cette procédure, la Constitution indique clairement dans son article 284.3 que «Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie référendaire est formellement interdite », et qu’« Aucun amendement à la constitution ne doit porter atteinte au caractère démocratique et républicain de l’Etat ».

        Il faut ajouter que, le processus de modification de la Constitution est lourd en terme de procédure et de temps (fin de l’année législative, 2/3 du parlement etc.) Le Conseil Electoral Provisoire nommé occupe jusqu’à présent le rôle de celui Permanent qui jusqu’à présent tarde à être constitué (Art 289 de la Constitution). En effet, son rôle devrait être le même que celui décrit dans la Constitution stipulant respectivement en ses articles 191, 191.1, 191.2 que : Art 191 :« Le Conseil électoral est chargé d’organiser et de contrôler en toute indépendance, toutes les opérations électorales sur tout le territoire de la République jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin ». Art 191.1 :« Il élabore également le projet de Loi électorale qu’il soumet au pouvoir exécutif pour les suites nécessaires » Art 191.2 : « Il s’assure de la tenue à jour des listes électorales ». Et ici, il faut souligner que la Loi électorale est une règle constitutionnelle matérielle inferieure à la Constitution.

        Étant donné qu’on est dans un pays spécial, une Constitution spéciale rarement respectée par nos dirigeants spéciaux… on ne doit pas s’étonner de ces décisions spéciales dans ce contexte de crise si spécial. Ceci dit quoiqu’en dehors du parlement, cette décision de l’exécutif d’aboutir au referendum constitutionnel reste controversée du fait qu’elle va à l’encontre de la procédure constitutionnelle. Cela n’obéit sans nul doute à la hiérarchie des Normes de Hans Kelsen correspondant à une hiérarchie des pouvoirs. Et, se référant à la situation dans laquelle ces commissaires sont nommés, on est en droit de se demander si vraiment il reflète la configuration sociale et politique des forces vives de la nation dans la mesure où l’on sait que divers secteurs ont gardé leur position de refus à y participer en jetant d’un revers de main la requête qui leur a été formulée par l’Exécutif. Cela sous-entend que le pays est à l’aube de nouvelles crises structurelles et doit se préparer à se confronter au pire dans les jours à venir. Cette décision va sans doute générer des crises interinstitutionnelles. De plus, les trois pouvoirs de l’Etat ne semblent pas s’harmoniser pour réguler la fin au sein de la Patrie… Le Conseil Constitutionnel qui devrait contrôler le pouvoir n’est pas créé.

         On a suivant l’ordre des choses un pouvoir législatif absent, un pouvoir judiciaire qui demande Justice et un pouvoir exécutif qui, coincé au mur par l’urgence, se voit obligé de faire cavalier seul avec un Conseil Electoral Politique autour d’un mandat qui n’est pas le sien ; celui d’organiser le referendum constitutionnel. On n’est même pas obligé de se référer au Contrat Social de Rousseau pour comprendre de quoi il en est et à quoi cette situation peut nous amener , ou à Montesquieu qui parle de l’équilibre et de l’indépendance entre les Pouvoirs. Ainsi, la Constitution qui devrait être à la base d’un Nouveau Contrat entre le Peuple et ses dirigeants serait plutôt générateur de conflits, de tensions et de problèmes majeurs du fait qu’elle ne tiendrait pas réellement compte des aspirations des populations. En fin de compte, conformément à la configuration de cette réalité, on peut dire qu’on semble forcer la main à l’exécutif qui ne fait qu’obéir juste pour obtenir une garantie de fin de mandat pour 2022. Mais, il faudrait penser aux conséquences et agir conformément à la Loi. Puisque de cette décision de l’exécutif de nommer en ces termes ce Conseil Electoral Politique (CEP), résulte un double défaut : un défaut de légalité du fait de sa non-conformité  à la Loi et son caractère anti-constitutionnel et un défaut de légitimité grave la caractérisant du fait de la non-adhésion populaire et la non acceptation des divers secteurs de la Nation.


Jackson MERINOR,

 Politologue

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