Un coup d’œil sur le Programme du Vice-recteur aux Affaires Académiques de l’UEH

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Peu de jours après la tenue des élections pour le renouvellement du Conseil Exécutif de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), les débats autour de l’orientation à donner à celle-ci semblent ne plus tenir. Plusieurs facteurs peuvent être à la base de cet étonnant  constat dans la mesure où l’on sait que les programmes des candidats élus n’étaient pas connus de tous -voire la communauté universitaire- sinon les représentants des entités facultaires concernées et quelques curieux intéressés par les stratégies et questions politiques rôdant autour de la seule institution universitaire publique du pays.

En dépit de tout, l’UEH doit être en mesure de fournir un enseignement scientifique répondant aux besoins du pays et d’offrir des services à tous les secteurs de la société haïtienne dans tous les domaines et champs du savoir. Cela doit nécessairement passer par l'indispensable reconfiguration de l'enseignement supérieur dans son ensemble. Le débat contradictoire doit être privilégié.

Eu égard à son souci d’engager ce débat, « Les Cahiers de l’INAGHEI » se propose de publier les programmes des candidats élus, notamment celui du Vice-recteur aux Affaires Académiques, Jean Poincy qui a jugé bon de s’attaquer au malaise institutionnel à l’UEH en proposant de faire de l'UEH la meilleure Université de la Caraïbe aux environs de 2050,  à travers un programme de 50 pages - format word-. L’élu y a abordé plusieurs points repartis en six (6) principales sections, à savoir :
  • ·         Le malaise institutionnel à l'Université d'Etat d'Haïti
  • ·         Les tares de l’actuel système académique
  • ·         Vers un régime académique commun
  • ·         Plaidoirie du nouveau système
  • ·         De l’opérationnalisation du RAC à l’UEH
  • ·         L’appropriation du système de crédit
  • ·         Le système accompagnateur

Etant donné l’aspect volumineux du programme, nous vous invitons à le consulter  à travers une série de publications y relatives … C’est ainsi que nous publions les trois premiers points ci-dessous :
Jackson MERINOR,
Rédacteur en Chef de « Les Cahiers de l’INAGHEI »


Contexte
Souffrant déjà de l’incapacité financière et technique de faire face aux différents défis socio-économiques, Ayiti voit son extrême fragilité s’amplifier avec la pandémie de Covid-19 qui fait fléchir le monde entier. Si les pays les plus riches avec des technologies de pointe s’avèrent impuissants dans leurs quêtes d’endiguer cette crise sanitaire, aucune opportunité ne semble se dessiner à l’horizon pour le pays qui dépend toujours des assistances étrangères de tout genre afin de faciliter la survie de plus de 11 millions d’habitants. En dépit de tout, l’espoir de trouver des issues vers un mieux-être n’est pas nul parce qu’il existe des centres d’enseignement supérieur et de recherche, à l’instar de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), capables de paver des pistes de solutions pour y arriver.

Bien que dans une situation financière précaire, en raison des maigres budgets alloués, l’UEH, une entité de l’Etat, doit s’aligner en premier rang pour accompagner le pays dans sa quête de bien-être collectif, par la préparation des cadres compétents et compétitifs pouvant faciliter la gestion des affaires collectives, la conduite de la recherche devant permettre de mieux appréhender et résoudre les problèmes survenus, et les services rendus à la communauté pour harmoniser le vivre-ensemble.

Toutefois, il est à constater que l’UEH n’arrive à faire ni l’un ni l’autre à satisfaction. Si elle accueille chaque année un peu plus de 2500 bacheliers, elle peine à en faire sortir moins d’un quart de ce nombre en fin du cycle d’études de 4 ans avec licence en mains. Quant à la recherche et au service à la communauté, le terrain est sévèrement marqué par son aridité. La pandémie actuelle est bien révélatrice de ses failles. En effet, elle est pratiquement invisible dans le bassin des propositions que la société pourrait utiliser à bon escient. Cela tant au niveau de planification, de gestion, de santé, d’économie et de production alimentaire etc.

S’il faut trouver une cause à cette défaillance, il sera trop facile de dire que l’allocation budgétaire n’est pas suffisante pour écarter la mauvaise gestion académique amputant l’UEH d’un système de gestion académique moderne et l’utilisation inefficiente des fonds alloués mais déjà insuffisants. Ce faisant, pour ce qui concerne la préparation desdits cadres, il importe de :

1)      Faire un état du malaise institutionnel qui explique la difficulté de l'UEH dans ses efforts d'accompagner le pays en quête d'un mieux-être.
2)      Les tares de l’actuel système académique
3)      Un régime académique commun
4)      Plaidoirie du nouveau système
5)      Vers un Régime Académique Commun à l’UEH
6)      L’appropriation système de crédit
7)      Le système accompagnateur

1 : Le malaise institutionnel de l'Université d'Etat d'Haïti
Un mal institutionnel gangrène l’UEH et fait déprécier le prestige académique dont elle jouissait dans le temps au même titre que les autres universités du monde. Ses diplômes qui auparavant étaient favorablement reçus ailleurs, subissent aujourd’hui une évaluation microscopique pour soupeser la formation académique. En effet, la formation académique inadaptée aux besoins actuels des sociétés et les méthodes pédagogiques surannées comme véhicule de transmission du savoir enlèvent toute crédibilité placée en elle, et les diplômes non uniformisés issus de ses facultés sont remis en question pour renforcer l’inquiétude générale. Au regard de la situation sanitaire actuelle coupant court tout processus d’enseignement en présentiel, elle est incapable d’assurer l’enseignement en ligne pour non seulement terminer l’année académique mais aussi dans le futur dans la mesure où la Covid-19 y sera encore quelques selon certaines prédictions. Tout cela qui est imputable à la difficulté d’adaptation de l’UEH aux pratiques modernes de l’enseignement universitaire.

La structure institutionnelle de l'UEH révèle une absence d'homogénéité constituant un obstacle à sa bonne marche. Ses difficultés de gestion sont intimement liées au défaut d'une relation hiérarchique des normes de fonctionnement entre l'unité administrative centrale, qui est le rectorat, et les facultés qui forment l'université. Si depuis plus de deux décennies il existe des dispositions transitoires devant faciliter sa réforme, un règlement de fonctionnement unifiant toutes ses entités fait grand défaut.

Ayant vu le jour l'une indépendamment de l'autre et fonctionnant pendant un nombre d'années en absence d'un organe administratif commun, outre les principes fondamentaux leur donnant naissance, il est normal que chaque faculté développe une certaine culture de fonctionnement propre à elle. La décision sage de l'Etat de tirer ces entités de leur hétérogénéité pour les rassembler en une université et former l'UEH n'a jamais pu neutraliser jusqu'à présent l'effet de morcellement de celle-ci en des entités distinctes l'une de l'autre.

Concrètement, pendant que pour une université on devrait parler d'un règlement de fonctionnement standard commun régissant les activités académiques et d'une structure organisationnelle semblable, il est question d'une diversité de règlements et de structures organisationnelles. Il y a autant de règlements de fonctionnement et de structures organisationnelles que de facultés. Pourtant, celles-ci, même différentes d'une faculté à l'autre avec des doyens et vice-doyens, directeurs et coordonnateurs, reflètent à peu près la structure organisationnelle de l'unité centrale de gestion avec les trois membres constituant le corps exécutif composé du recteur et de deux vice-recteurs.

Cette configuration organisationnelle, bien que similaire dans une certaine mesure, dévoile des règlements de fonctionnement propres avec une tendance vers le détachement de l'unité administrative centrale plutôt que de son rapprochement. En effet, chaque faculté a sa propre manière de gérer ses activités académiques et souvent outrepasse les décisions académiques émanées de l'unité centrale de gestion. Un tel comportement fait abstraction de la nécessité d'une gestion constante de l'académique d'une université. Si l'autonomie financière accordée à l'UEH était perçue comme un moyen de freiner la dictée de l'Etat, elle est loin d'être l'outil d'autorité permettant à l'unité centrale de gestion d'assurer la gouvernance universitaire.

De toute évidence, les facultés échappent à l'emprise de l'unité centrale de gestion et ont le pouvoir de suivre ou de ne pas suivre les directives de celle-là, pour conduire à sa guise la gestion académique. La résultante est un effet d'absence d'autorité descendante sur toute la pyramide de commande tant au niveau administratif qu'au niveau académique. Les professeurs et le personnel administratif ne suivent pas les normes établies par le décanat ou la direction d'une faculté, et de l'autre la majorité des étudiants ne respectent pas ces derniers et se comportent comme ils le veulent. En retour, les décisions prises par une faculté qui, suite à des litiges, devraient être validées par l'unité centrale sont souvent restées pendantes.

Cette atmosphère de gestion universitaire génère des effets pervers pouvant compromettre la formation académique des jeunes et hypothéquer simultanément l'avenir du pays. Il est certain que le souhait de tous ceux qui sont impliqués dans la gestion de l’UEH est de reprendre l’étendard de l’enseignement supérieur d’antan quand la formation académique valait son pesant d’or sur le marché international de l’enseignement supérieur. Une réalisation qui sera pourtant difficile avec des perspectives divergentes de la modernisation de l’université.

Pour relancer l'UEH, les acteurs doivent s'accorder pour harmoniser leur fonctionnement ou les adapter à une vision académique nettement définie en fonction des besoins et de la réalité du pays. Le problème institutionnel étant posé, la stratégie d’élever l'UEH au rang des universités du premier monde et faire d’elle la meilleure université de la Caraïbe dès 2050 est payante. Pour ce faire, la volonté de coopérer doit être présente chez l'équipe choisie par la communauté de l'UEH.

Le malaise institutionnel de l’UEH identifié engendre des tares dans le système académique, lesquelles risquent de rendre impossible le saut vers 2050 si elles ne sont pas éliminées. Elles vont du/de :
2.1 : du concours d’admission qui ne répond plus aux attentes du pays ;
2.2 : des pratiques pédagogiques désuètes ;
2.3 :de la gestion académique actuelle inefficiente ;
2.4 :au mémoire comme ralentisseur du taux de diplomation.
La nécessité de passer au nouveau système de gestion académique porte à identifier et comprendre les difficultés occasionnant l’échec du système académique actuel. Ce sont :

2.1 : De l’échec du concours d’admission à l’UEH
Il ne s’agit pas simplement de réformer le système académique de l’UEH sans s’assurer que les cadres formés sont compétents et que la formation académique est compétitive tant sur le plan national qu’international. Cette condition répond au processus de recrutement des étudiants qui sollicitent une formation universitaire. Etant une université publique qui accueille des bacheliers, il importe que les meilleurs postulants soient recrutés pour garantir la quête de l’excellence académique. Jusqu’à présent, le seul recours de l’UEH est la tentative de recueillir la crème de la population estudiantine par un concours d’admission.

Un processus douteux dont la qualité et le sérieux sont entachés d’irrégularités au niveau d’un nombre de facultés. En conséquence, les résultats escomptés ne sont jamais au rendez-vous. Les moins bons y accèdent en plus grand nombre pendant que les meilleurs quittent le pays pour trouver ailleurs une meilleure formation que ce que l’UEH et ses paires peuvent offrir. Cela fait que l’UEH se retrouve avec des étudiants issus du cycle fondamental qui ont beaucoup de lacunes. S’accrochant à un système de gestion qui défie toute logique académique, ne tenant pas compte des failles des nouveaux universitaires et n’ayant pas un mécanisme de correction, il érige une barrière empêchant le développement de leur potentiel académique.

Dès l’année préparatoire qui apporte un enseignement inapproprié, le système expulse certains admis en fin de période pour provoquer un gaspillage de ressources. Comment rationnellement admettre un étudiant pour l’exclure du système au bout d’un an après avoir alloué beaucoup de ressources à sa formation ? Une telle mesure serait justifiée, si et seulement si la compétitivité académique était un critère de réussite à l’UEH ; mais ce n’est pas le cas.
Ce même étudiant est permis de réintégrer le système par le concours d’admission avec tout le risque d’être renvoyé à nouveau si la chance ne lui sourit pas. En outre, cette année cruciale à la réussite universitaire est faussement consacrée à l’introduction de certains cours, alors qu’elle devrait être dédiée à inculquer aux étudiants de solides techniques d’apprentissage, d’accumulation et de traitement de connaissances, et de communication.

2.2 : Des pratiques pédagogiques désuètes
Dans certaines facultés, les cours dispensés s’étalent sur toute l’année académique, et s’accompagnent de quelques rares devoirs et évaluations pour marquer le laxisme et l’absentéisme de certains professeurs. Ce qui ralentit le processus d’apprentissage et d’accumulation de connaissances. On croit le compenser par un nombre de cours allant de six à dix sur une même période. A cette déficience, s’ajoutent l’inexistence de supports didactiques et le manque d’évaluations appropriées.
Les notes de cours dictées par les professeurs sont utilisées comme le seul outil de référence ou de travail, et la récitation mot par mot se substitue à une épreuve de compréhension ou d’analyse. Contrairement, la prescription de la méthode moderne d’enseignement donne préférence à l’usage d’un manuel de cours à suivre simultanément par les professeurs et étudiants, et à des exercices capables de faire ressortir l’apport personnel des étudiants. 

Dans ce cas, il y a lieu de questionner la qualité de la formation, quand on sait que le rôle des professeurs est de guider les étudiants vers des connaissances spécifiques à acquérir, et de les évaluer sur ce qui est vu et discuté en classe. Reconnaissant l’importance d’un support didactique dans un cours et au lieu d’exiger des étudiants l’utilisation d’un manuel de cours, certains professeurs ajoutent aux dictées de notes une liste bibliographique dont la majorité des ouvrages sont introuvables. Déjà que les bibliothèques existantes sont très pauvres, les étudiants, qui n’ont jamais acquis les techniques d’apprentissage et d’accumulation de connaissances, s’égarent avec une telle liste sur les grands boulevards de la connaissance.

2.3 : D’une gestion académique irrationnelle
Structurellement, les facultés s’isolent l’une de l’autre et de l’unité administrative centrale (UAC) qui est le rectorat. Si l’université se compose de facultés, elle doit fonctionner avec des procédures uniformes que chaque faculté embrasse et reflète en dépit de leur différence relative au domaine étudié. L’inexistence de telles procédures pousse chaque faculté à formuler son propre régime pour se croire une université dans l’université et fonctionne en parfaite autonomie du rectorat. Une décision du rectorat est prise en compte par une faculté que quand elle lui est favorable ; dans le cas contraire, elle n’a aucune valeur. Le seul moment où il semble avoir un brin de cohésion est au niveau des allocations budgétaires ou quand il faut résoudre une crise académique au sein d’une faculté.
Un autre inconvénient relatif à la gestion académique est l’incapacité de l’UEH d’absorber plusieurs milliers de bacheliers venus du cycle secondaire. Avec 100 ou 200 admis par année suivant la faculté, le nombre accueilli ne peut pas aller au-delà de 2500admis. On a tendance à attribuer cette faiblesse à une carence d’espace assimilée à l’absence d’un campus commun. Pourtant, elle est liée à l’inaptitude de gérer un flux d’étudiants dont leurs activités seraient réparties dans des facultés éloignées l’une de l’autre.

2.4 : Du mémoire comme ralentisseur du taux de diplomation
Depuis quelque temps, le nombre de diplômés qui est l’un des critères de performance du système d’enseignement indique sa nette déchéance. Il est regrettable que la non-disponibilité des données, due à l’inexistence d’un système rationnel ou moderne de gestion d’informations, ne permette pas d’avancer un taux annuel de diplômés. Sans vouloir dire que celui-ci est négligeable, il est difficile de faire une évaluation comparative annuelle pour déterminer s’il y a progrès ou pas. Toutefois, les faits constatés dénotent un grand nombre d’étudiants finissants coincés dans le système, à cause d’un mémoire qu’ils n’arrivent pas à rédiger, pour former un goulot d’étranglement qui ralentit la vitesse de sortie des promotions.
Le fait de n’avoir pas comblé les lacunes, ni acquis pendant tout le cycle aucune technique d’acquisition, de traitement des connaissances, de communication, et d’autonomie académique, ils sont perdus dans le labyrinthe académique. Il leur devient impossible de produire un travail reflétant un apport personnel avec toutes les rigueurs académiques que cela exige. S’ils ne trouvent pas un directeur de mémoire à qui ils doivent payer pour la rédaction du mémoire, ils vont rester dans le système sans y sortir. Considérant les conditions pauvres de nombreuses familles et de la faiblesse académique et administrative de l’UEH, beaucoup croupissent dans le premier cycle pendant des années sans pouvoir décrocher leurs diplômes.

Pendant que l’UEH fait du mémoire un pilier de son système d’évaluation, elle n’a pas mis au point des structures pouvant accompagner les étudiants. Si le mémoire est considéré comme un exercice d’apprentissage à la recherche, il suffit de demander si tous les étudiants sont intéressés à devenir chercheurs ou simplement intégrer le marché du travail. A cette question, le cursus des facultés serait taillé de manière telle à leur permettre d’orienter leurs formations suivant leurs aspirations.
C’est un gaspillage de temps et de ressources pour certains d’entre eux et pour l’UEH qui impose le mémoire à tous. En regard à tout ce qui se fait ailleurs, on peut aller plus loin pour questionner la nécessité même du mémoire au niveau de licence où l’étudiant encore dans le processus d’apprentissage des connaissances n’a aucune maturité académique. Un tel travail est aujourd’hui reporté au niveau post-gradué pour être remplacé par des rapports courts qui mettent l’emphase sur l’organisation de la pensée, l’analyse, la cohérence et la créativité, la clarté et la simplicité de la communication.

3 : Vers un régime académique commun
Etant l’épine dorsale d’une université, un système académique inadapté complique la préparation des citoyens cadres devant accompagner la société dans sa quête de bien-être. Ce serait une faille qui fragilise le socle de la noble fonction de recherche consistant à aider la collectivité à mieux appréhender la complexité du vivre-ensemble. Si l’utilité académique, qui donne un sens à l’existence d’une université, tombe en désuétude, elle cesse d’être le véhicule d’une transmission cohérente de connaissances capables de répondre aux besoins de renouvellement de la société.
En conséquence, aussi justes que puissent être certaines initiatives y relatives, elles ne peuvent se mesurer à l’aune des besoins de la collectivité. L’académique étant à la traine, la recherche comme corolaire dans le système universitaire est devenue un électron libre et semble insignifiante aux causes collectives. Cette incohérence fragmente la structure organique inhibant le fonctionnement systémique d’une université.

Tombé en panne, le système des vases communicants, qui naturellement existe entre l’académique et la recherche consacre l’échec d’une université dans ses fonctions accompagnatrices. La conséquence immédiate est l’incapacité de mettre au service de la collectivité une promotion suivant un cycle régulier. Les citoyens cadres s’éternisent dans le circuit avec une formation académique au rabais, et convertissent leurs études universitaires en profession pour ne jamais se rendre utiles à la société.

C’est un coût irrécupérable et inacceptable pour toute une collectivité qui supportent et assurent leur formation académique. C’est un terrain marécageux où s’enlise l’UEH au moment où le reste du monde s’engage dans un processus de standardisation internationale du système académique. L’Europe a pris le train avec le système LMD (Licence, Master ou Doctorat) pour se mettre au diapason du système anglo-saxon pour ne pas dire celui de l’Amérique du Nord.

Reconnaissant l’académique comme un catalyseur dans l’existence d’une université, il convient d’y œuvrer pour redynamiser l’UEH et lui permettre de de se repositionner sur l’échiquier du monde universitaire. Dans cette perspective, il faudra repenser le système académique et mettre au point un Régime Académique Commun (RAC) auquel seront soumises toutes les facultés pour concrétiser la vision de 2050. Lequel aura pour socle un système de crédit propre à l’enseignement supérieur Ayitien. Il devra être conçu de manière à être facilement convertible aux autres systèmes académiques prédominant dans le monde. L’adoption dudit système permettra de préserver l’université dans son ensemble tant au niveau de la structure administrative, des curricula, que de son mode de fonctionnement.

Comme l’enseignement académique est une fonction fondamentale d’une université, il doit faire l’objet d’une attention soutenue pour l’adapter et répondre à une réalité sociétale dynamique. Ce faisant, le contenu de la formation doit être inspiré de la réalité Ayitienne, et supporté par des théories universellement acceptées et appliquées avec succès pour le mieux-être de l’espèce humaine.

Aussi justes et rationnels que les choix du contenu puissent paraître, une charpente administrative défaillante ne permettra pas de les opérationnaliser à leurs fins. En conséquence, il faut toujours une architecture administrative appropriée, laquelle supporte un circuit de fonctionnement devant rendre fluide le processus d’exécution. Tels sont des principes élastiques reflétant un tâtonnement rationnel face aux nouvelles initiatives jusqu’à l’établissement des procédures correctes et leur standardisation.

Le résultat escompté est un regain de vitalité de l’académique via l’amélioration, le renforcement et l’adaptation des programmes de licence ou autres dans le court terme, la conception et le renforcement des programmes post-gradués dans le moyen terme et le long terme. Tout cela pour faire de l’UEH une université phare capable d’aider à bien comprendre la nature des problèmes socio-économiques que confronte le pays, d’accompagner les responsables dans leurs efforts de les résoudre sans heurt, et de préparer des citoyens cadres responsables comme support technique pouvant assurer une bonne gestion future des affaires de la société et aussi de s’égaler à leurs pairs du reste du monde.

La philosophie derrière le RAC
Toute formation universitaire doit répondre aux modes de fonctionnement et de production d’une société. Les curricula doivent être conçus en conséquence, mais avec une facilité d’adaptation au cours évolutif de la société. Etant donné que tout tourne autour des problèmes à résoudre pour favoriser l’harmonie de la vie collective, et que ce sont des problèmes humains, les solutions s’avèrent universelles, malgré les différences contextuelles. Par exemple : pourvoir de la nourriture à une collectivité, organiser le territoire pour une distribution optimale de l’espace et résoudre les conflits de groupes ont toujours été des préoccupations majeures du genre humain depuis son existence.
Donc, la nécessité d’une solution est pareille dans toute société, mais dans un contexte différent qui fait appel à une approche appropriée. Ce qui laisse entendre que l’affaire d’une société est aussi celle des autres ou la solution pour une société est aussi celle pour d’autres ; il suffit de les mettre en contexte. De par cette logique, un individu qui a reçu une formation universitaire doit non seulement être fonctionnel dans sa propre société, mais aussi dans celles des autres moyennant une adaptation rapide. Il va sans dire que l’université le forme pour sa société et pour le reste du monde tout en l’entraînant à développer sa capacité de réflexion et d’analyse avec un esprit critique.

Partant du principe de l’universalité des problèmes et des solutions des sociétés, concevoir les formations universitaires suivant les problèmes de sa société n’isole en aucun cas l’individu sur l’échiquier mondial. Déjà, les connaissances à prodiguer sont celles qui ont aidé d’autres sociétés dans leur évolution. Il faut simplement les adapter à la réalité locale. Pourquoi les principes de production dans une économie devraient être différents d’une société à l’autre ? Pourquoi les principes d’organisation de la collectivité devraient être différents d’une société à l’autre ?
Les variantes qui peuvent être notées sont au niveau de la forme et ne portent aucun préjudice à l’universalité de ces principes. Nécessairement, les curricula d’une université à l’autre ne vont pas être fondamentalement différents. Par contre, la connaissance théorique acquise par tout citoyen du monde subit une réinterprétation ou une réorientation épousant la réalité de chaque société, mais l’essence demeure.

Dans cette perspective, le cursus doit:
Ø  avoir un contenu qui, reflétant les principes universels, permet de mieux comprendre et résoudre les problèmes humains ;
Ø  tenir compte de la réalité locale et de celle du reste du monde par extension.

Une telle philosophie ne peut que :
Ø  rendre dynamique la formation universitaire à l’UEH ;
Ø  mieux assister la société dans sa quête de bien-être et de progrès ;
Ø  maintenir une course compétitive vis-à-vis de n’importe quelle université.

Pour ce faire, la vision est de :
Ø  faire de l’UEH sur l’échiquier la meilleure université de la Caraïbe dès 2050 ;
Ø  former des cadres compétents et compétitifs tant sur le plan national qu’international ;
Ø  mettre le système académique de l’UEH au service du pays.

Tout en répondant aux besoins des secteurs public et privé du pays, l’UEH s’assurera d’un niveau compétitif au même titre que n’importe quelle université du nord. Dans le court terme et le moyen terme, ce sera possible par la refonte du cursus ou la restructuration du système académique pour élargir la base de la formation prodiguée. Le support approprié, qui sera pourvu aux populations académique et administrative, légitimera les exigences et rigueurs nécessaires au renforcement académique du degré de licence. Ce sera le tremplin pouvant lancer les étudiants vers les niveaux de master et de doctorat dans tous les domaines d’études.

Etant aujourd’hui dans une course régressive, sans une vision académique moderne et pratique, elle a du mal à reprendre son souffle pour se défier. Ainsi, elle offre une formation universitaire au rabais à des générations successives sur une durée de cycle d’études atypique étalée souvent sur dix ans. De telles circonstances hypothèquent l’avenir des étudiants et retardent en conséquence le progrès socio-économique auquel aspire la société Ayitienne. Persister dans cette voie risque de conduire l’UEH vers une nette disparition pour suivre le cours naturel de toute organisation qui ne se renouvelle pas.


L’émergence des universités privées dont certaines s’évertuent à se créer une place dans le monde universitaire et la réticence de l’Etat à financer les activités de l’UEH rendent très probable ce triste sort sans un effort de la repenser dans ses dimensions administrative et académique. Pour se pérenniser, elle doit divorcer d’avec la pratique courante en reprenant son leadership au sein du système d’enseignement supérieur du pays. La stratégie prônée est la refonte du système académique actuel dans son ensemble tant au niveau de son cursus, de sa structure administrative que du mode de sa gestion.


 
Jean POINCY,
Vice-recteur aux Affaires Académiques de l’UEH



 

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